03.08.2017 Views

Annibal

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

prend garde. Nous toucherons du doigt des sutures grossières et mal placées ;<br />

nous conclurons que l'historien latin, outre l'absence de ces chiffres, qui donnent<br />

tant de solidité au travail de Polybe, pèche surtout par maladresse ou négligence<br />

; il n'a pas l'art ou la patience de fondre en un récit homogène des fragments<br />

disparates ; enfin, n'étant pas homme de métier, et ignorant le pays dont il<br />

parle, il remplace les mots justes ou décisifs par d'autres qui sonnent faux. En un<br />

mot, c'est précisément par la forme qu'il nous paraît inférieur à l'écrivain grec<br />

sans prétention, qui atteint au pittoresque à force de vérité. Les développements<br />

oratoires tiennent du reste, dans l'œuvre de Tite-Live, moins de place qu'on ne le<br />

suppose : ses discours même, si suspects, sont des agglomérations de fragments<br />

divers. En principe, il n'invente rien.<br />

La critique des textes nous montrera donc, d'une part, les restrictions légères<br />

qu'il faut apporter à notre confiance en Polybe, de l'autre, le parti à tirer de Tite-<br />

Live ; elle nous expliquera les apparentes contradictions des deux auteurs, ce qui<br />

nous rassurera, et nous permettra de les concilier en utilisant tout ce qu'il y a de<br />

bon dans l'un et dans l'autre.<br />

II. — Les historiens anciens.<br />

Nous avons parlé à plusieurs reprises de l'analyse des textes et de la recherche<br />

des sources premières où les deux historiens ont puisé. Si nous n'avions affaire<br />

qu'au public spécial, expert plus que nous en ces sortes de matières, nous<br />

aborderions immédiatement la critique des textes qui nous intéressent. Mais ce<br />

genre d'exercice, inventé outre-Rhin et peu vulgarisé en France, pour ce qui<br />

concerne l'antiquité1, doit être inconnu à beaucoup de lecteurs que les<br />

opérations militaires d'<strong>Annibal</strong> ne laissent pas indifférents, et nous croyons<br />

devoir le leur présenter d'abord en quelques mots.<br />

Le grand historien Ranke, en étudiant les annalistes des XVe et XVIe siècles,<br />

avait été frappé des analogies qu'ils offraient entre eux et, après des recherches<br />

longues et méthodiques, il avait été amené à y reconnaître une loi générale.<br />

Moins préoccupés par la vanité d'écrire une œuvre personnelle que par le désir<br />

de transmettre à la postérité des relations aussi exactes que possible, ces<br />

chroniqueurs se bornaient à reproduire à peu près textuellement les fragments<br />

de leurs devanciers qu'ils jugeaient bon d'utiliser. Cette copie n'allait jamais sans<br />

une légère condensation, plus ou moins involontaire, grâce à laquelle, de<br />

génération en génération, on pouvait étendre le champ exploité par l'historien ;<br />

mais d'un texte au suivant, la reproduction était assez littérale pour ne pas nous<br />

laisser de doutes sur le procédé employé.<br />

Les indications de Ranke ont été suivies et généralisées par Stenzel, Pertz,<br />

Dahlmann, Lappenberg, Waitz, Sybel, Giesbrecht, etc., et elles sont aujourd'hui,<br />

dit Nissen2, le fondement, la pierre angulaire de tous nos travaux historiques.<br />

L'abondance et la rusticité des matériaux facilitaient de telles recherches pour la<br />

période médiévale, et la multiplicité, la netteté des exemples permettaient<br />

amplement de poser une loi générale.<br />

1 Il est d’un usage courant dans les études médiévales.<br />

2 Pages 78 à 83.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!