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Annibal

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en tous sens ; mais le flot les entourait de tous côtés, et il fallait rester en place.<br />

Deux radeaux étant toujours rattachés à la jetée de la même manière, le plus<br />

grand nombre des éléphants fut transporté avec eux. Quelques-uns, à force de<br />

peur, se jetèrent au milieu du fleuve ; les Indiens qui conduisaient ceux-là<br />

périrent tous, mais les animaux eux-mêmes furent sauvés, car, grâce à la force<br />

et à la longueur de leurs trompes, ils les élevaient au-dessus de l'eau, respiraient<br />

par là et rejetaient en même temps l'eau qu'ils avaient avalée. Ils tinrent bon<br />

ainsi, ayant pied pendant une grande partie de leur trajet dans le fleuve.<br />

47. — Les éléphants ayant passé, <strong>Annibal</strong> partait avec eux, et la cavalerie<br />

derrière ; il remontait le fleuve, marchant dans la direction de l'Orient prise<br />

depuis la mer, comme pour aller vers l'intérieur de l'Europe. Le Rhône, en effet,<br />

a ses sources au-dessus du golfe Adriatique, tournées vers l'Occident, dans la<br />

partie des Alpes qui est inclinée vers le Nord ; il coule vers le couchant d'hiver et<br />

se jette dans la mer Sardonienne. Il coule le plus longtemps dans une vallée<br />

qu'habitent, du côté du Nord, les Celtes Ardyes ; le versant méridional touche<br />

sur toute sa longueur aux régions des Alpes inclinées vers le Nord. Les plaines du<br />

Pô, dont nous avons déjà beaucoup parlé, sont séparées de la vallée du Rhône<br />

par ces montagnes très élevées, qui commencent près de Marseille et vont<br />

jusqu'au fond même du golfe Adriatique. C'est elles qu'<strong>Annibal</strong> franchit alors,<br />

venant des pays voisins du Rhône, et se précipitant sur l'Italie.<br />

Quelques-uns des historiens qui ont raconté ce passage veulent étonner leurs<br />

lecteurs par des récits merveilleux sur ces régions, et ils tombent sans s'en<br />

douter dans deux fautes des plus contraires à toute- espèce d'histoire : ils se<br />

trouvent obligés ainsi d'écrire des choses fausses et de se contredire. Ils<br />

dépeignent <strong>Annibal</strong> comme un général inimitable à la fois pour l'audace et pour<br />

la prudence, et en même temps ils le font agir comme le plus déraisonnable ;<br />

car, ne pouvant trouver d'issue ni de conclusion qui s'accorde avec leurs fausses<br />

assertions, ils introduisent les dieux et les enfants des dieux dans une histoire<br />

positive. Ils partent de cette première donnée, que les escarpements et les<br />

aspérités des Alpes étaient telles que non seulement des chevaux et des armées<br />

pourvues d'éléphants, mais même des fantassins légers ne pouvaient les franchir<br />

aisément ; ils nous dépeignent aussi ces lieux comme une sorte de désert, de<br />

telle façon que, si un dieu ou un héros n'était pas surgi pour montrer le chemin<br />

aux compagnons d'<strong>Annibal</strong>, ils se seraient tous égarés et auraient été anéantis.<br />

De là, ils tombent naturellement dans les deux fautes que nous avons indiquées.<br />

48. — D'abord, y aurait-il un général plus déraisonnable qu'<strong>Annibal</strong>, et plus<br />

maladroit, qui, commandant une armée aussi nombreuse, et plaçant en elle le<br />

plus grand espoir d'anéantir l'ennemi, ne connaîtrait le moins du monde, au dire<br />

de ces gens, ni les routes, ni les localités, ni par où il passerait, ni chez quels<br />

peuples il irait, et ne saurait pas, en un mot, s'il n'entreprend pas quelque chose<br />

de tout à fait impossible ? Ce que des gens réduits au désespoir, sans aucune<br />

voie de salut, n'entreprendraient pas, c'est-à-dire de se jeter avec leurs troupes<br />

dans des régions inconnues, ces historiens le font faire à <strong>Annibal</strong>, qui garde<br />

encore intactes les plus grandes espérances de succès. Ce qu'ils ont dit de la<br />

solitude de c's lieux, comme de leurs escarpements et de leurs difficultés, rend<br />

leur fausseté manifeste. Ils n’avaient pas appris que les Celtes riverains du<br />

Rhône avaient franchi les Alpes avec de grandes armées, non pas une fois ou<br />

deux avant le passage d’<strong>Annibal</strong>, et non pas anciennement, mais naguère<br />

encore, pour combattre les Romains et se joindre aux Celtes établis dans la<br />

vallée du Pô, ainsi que nous l’avons raconté plus haut. Ils ne savaient pas non

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