Annibal
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tomba sur Catugnat en personne, et il aurait succombé si un violent orage n'était<br />
venu tout à coup arrêter la poursuite des barbares.<br />
Sur ces entrefaites, Catugnat fut appelé loin de là, de sorte que Lentinus se remit<br />
à courir le pays et enleva la forteresse devant laquelle il avait échoué : Lucius<br />
Marins et Servius Galba avaient passé le Rhône, avaient dévasté les terres des<br />
Allobroges, et étaient arrivés enfin devant la ville de Solonum ; ils s'emparèrent<br />
d'un poste fortifié placé plus haut, vainquirent ceux qui s'opposaient à eux, et<br />
incendièrent quelques quartiers de la ville, qui était en partie construite en bois.<br />
Ils ne la prirent pas, cependant, car Catugnat survint alors et les en empêcha.<br />
Alors Pomptinus, à cette nouvelle, marcha contre ce dernier avec toute son<br />
armée ; il investit tous les ennemis et les prit, à l'exception de Catugnat en<br />
personne. Le reste du pays fut alors aisément soumis1.<br />
On n'a pu identifier ni Solonum, ni Ventia, mais il résulte de la relation de Dion<br />
Cassius que Solonum était dans le pays même des Allobroges, au nord de l'Isère<br />
et à l'est du Rhône ; Ventia semble bien se trouver au sud de l'Isère, car, après<br />
avoir parlé des peuples riverains de l'Isère, Dion dit que Lentinus n'ose pas les<br />
attaquer au passage du cours d'eau (πόταµος) ; le seul fait qu'il ne nomme pas ce<br />
cours d'eau fait penser qu'il s'agit encore de l'Isère. Certains historiens<br />
supposent pourtant que πόταµος désigne ici le Rhône, bien que, quelques lignes<br />
plus bas, Dion parlant du fleuve pour la première fois, le désigne par son nom.<br />
Pour nous, c'est bien de l'Isère qu'il s'agit, et il en résulte que l'hégémonie des<br />
Allobroges s'étendait au sud de cette rivière. Dans l'opinion contraire, Ventia<br />
étant sur la rive droite du Rhône, il en résulterait simplement que les Allobroges<br />
possédaient des territoires sur cette rive, comme l'indique le tracé des limites du<br />
diocèse de Vienne.<br />
Il semble bien que les opérations militaires ne s'expliquent raisonnablement que<br />
dans la première hypothèse : Pomptinus a envoyé le corps de Lentinus sur l'Isère<br />
par la rive gauche, pour appeler de ce côté l'attention de Catugnat ; cette<br />
diversion ayant attiré le chef allobroge au sud de l'Isère, le reste des troupes<br />
romaines en a profité sans perdre un instant pour passer le Rhône, prendre<br />
l'ennemi à revers et se trouver au cœur même du territoire allobroge. Si les trois<br />
corps de Lentinus, de Marius et de Galba s'étaient trouvés côte à côte dans le<br />
Forez, on ne comprend pas pourquoi ils auraient agi séparément ; Catugnat,<br />
vainqueur de Lentinus, n'aurait eu qu'à l'écraser, et se serait trouvé sur la ligne<br />
de retraite des deux autres, et près d'eux. Il part au contraire loin de là, d'après<br />
la relation, ce qui ne s'explique qu'en supposant son engagement contre Lentinus<br />
au sud de l'Isère, et Solonum assez loin au Nord, à mi-chemin de Vienne à<br />
Chambéry, par exemple.<br />
Nous croyons donc pouvoir conclure de là que les Segallauni étaient alors soumis<br />
à l'hégémonie des Allobroges, et que la victoire de Pomptinus a eu pour résultat<br />
de les placer sous l’influence civilisatrice des Cavares.<br />
En résumé, soixante ans après le passage d'<strong>Annibal</strong>, Polybe vient recueillir sur<br />
les lieux les témoignages des habitants, les traditions, et il ne donne pas à<br />
supposer que les peuples se soient déplacés dans ce premier intervalle. Il a dû<br />
rencontrer dans chaque vallée la tribu même qui s'y trouvait au temps de la<br />
seconde guerre punique, et il a traversé paisiblement toute la région. C'est alors<br />
que commence la conquête romaine : les moindres mouvements des Ligures, des<br />
1 Dion, 47.