Annibal
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Les Romains avaient déclaré la guerre à Carthage pendant l'hiver, et leurs<br />
ambassadeurs avaient été visiter les divers peuples de la Gaule narbonnaise pour<br />
les solliciter de s'opposer à la marche d'<strong>Annibal</strong>, que l'on pouvait déjà prévoir. Ils<br />
n'avaient pas été bien accueillis, comme nous le savons par Dion et par Tite-Live,<br />
et, sans se décider en faveur des Carthaginois, les Celtes, Ibères et Ligures de la<br />
côte, entre les Pyrénées et le Rhône, s'étaient montrés nettement opposés à<br />
toute action en faveur de Rome. Il ne paraît pas que les Romains, non plus<br />
qu'<strong>Annibal</strong>, aient tenté aucune démarche auprès des nations alpines.<br />
Au mois de mars, selon l'usage, les armées romaines s'étaient organisées : l'une<br />
devait porter la guerre en Afrique, l'autre en Espagne. Le Sénat, comme il venait<br />
d'apprendre le passage de l'Èbre par <strong>Annibal</strong>, reçut presque aussitôt, c'est-à-dire<br />
à la fin de mai, la nouvelle de l'offensive gauloise en Cisalpine. L'armée de<br />
Publius fut destinée à y faire face, et il dut en lever une autre. Il lui fallut plus de<br />
deux mois. Ce n'était pas la levée même des soldats qui pouvait exiger un si long<br />
temps, mais l'organisation, l'encadrement, l'équipement des troupes. Toujours<br />
est-il que la nouvelle armée de Publius Scipion ne mit pas à la voile avant le 20<br />
août1. Au moment de s'embarquer, le général romain apprit qu'<strong>Annibal</strong> venait de<br />
passer les Pyrénées. Cette nouvelle, apportée par mer d'Ampurias ou de Rosas,<br />
remontait à cinq ou six jours.<br />
<strong>Annibal</strong> franchit les Pyrénées (on ne sait pas exactement en quel endroit) vers le 10<br />
août2 ; il arrive bientôt à Illiberris (Elne) et trouve en face de lui à Ruscino (Tourde-Roussillon)<br />
les populations ibéro-ligures de cette région, rassemblées pour lui<br />
barrer le passage. Mais ces peuples avaient été avertis par les Romains mêmes<br />
de ce qui se préparait : il fut assez facile de les amener à composition et<br />
d'acheter leur consentement au passage de l'armée carthaginoise à travers leur<br />
pays. <strong>Annibal</strong> s'entendit de même, semble-t-il, avec les Gaulois Volques, et les<br />
diverses tribus ombriennes ou ligures placées sous leur domination. A peine<br />
fallut-il avoir recours aux armes en quelques occasions sans importance.<br />
Parti d'Ampurias ou des Pyrénées vers le 10 août, <strong>Annibal</strong> arriva sur les bords du<br />
Rhône dans les derniers jours du mois3, ayant longé le rivage des étangs depuis<br />
Salses. Les peuples voisins du Rhône paraissent lui avoir fait bon accueil et avoir<br />
concouru par tous les moyens à son passage' autant pour se défaire plus vite de<br />
sa présence que pour lui venir en aide. Leurs services furent d'ailleurs bien payés<br />
; c'était un des principes les plus fermes d'<strong>Annibal</strong>.<br />
Sur l'autre rive du Rhône, les Salyens, alliés des Marseillais, s'étaient réunis en<br />
foule pour s'opposer au passage des Carthaginois. <strong>Annibal</strong> ne jugea pas à propos<br />
de remonter le fleuve plus haut pour chercher un passage plus facile : l'endroit<br />
où il était arrivé, immédiatement en amont du delta, lui présentait autant<br />
d'avantages que d'inconvénients. Il aurait pu trouver ailleurs le fleuve plus étroit,<br />
et peut-être y jeter un pont ; mais c'était une grande perte de temps, que de<br />
remonter le Rhône et d'y faire les travaux d'un pont assez solide pour porter des<br />
éléphants. Or le temps pressait : on savait que les Romains avaient mis des<br />
troupes en mouvement, et il n'est guère à supposer qu'<strong>Annibal</strong> ignorât la<br />
destination de Publius. Il ne fallait pas attendre que des troupes régulières,<br />
solides, vinssent disputer le passage du fleuve aux Carthaginois ; c'était alors<br />
toute la campagne perdue, les Insubres abandonnés et découragés. <strong>Annibal</strong><br />
1 Cette date se déduit des suivantes.<br />
2 M. O.<br />
3 Il y a 284 kilomètres d'Ampurias au Rhône, soit quinze à vingt jours de marche.