Annibal
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petite ile autour de laquelle le fleuve se divise, plus large à cet endroit, et par<br />
suite moins profond ; là, ils abattent du bois à la hâte, fabriquent des radeaux<br />
pour transporter hommes, chevaux et matériel. Les Espagnols traversent<br />
aisément le fleuve à la nage, ayant placé leurs vêtements sur des outres, et se<br />
couchant sur leurs boucliers. Le reste du détachement, ayant assemblé les<br />
radeaux, passe et campe près du fleuve. Fatigué par celte marche de nuit et ce<br />
travail, il prend un seul jour pour se reposer, son chef tenant à accomplir sa<br />
tâche en temps opportun. Le lendemain, en quittant leur campement, ils<br />
annoncent leur passage et leur voisinage à <strong>Annibal</strong> par de la fumée ; celui-ci, à<br />
ce signal, et pour n'être pas en retard, donne l'ordre de passer. Les fantassins<br />
avaient déjà préparé et disposé leurs nacelles ; la flottille des bateaux, portant<br />
les cavaliers près de leurs chevaux qui nageaient, se trouvait en amont pour<br />
briser le courant du fleuve et procurer la tranquillité aux nacelles qui passaient<br />
en aval. Une grande partie des chevaux nageaient, traînés parleurs longes de la<br />
poupe des navires ; d'autres étaient embarqués tout sellés et bridés pour que les<br />
cavaliers pussent s'en servir en débarquant.<br />
28. — Les Gaulois s'empressent sur la rive en poussant diverses clameurs et<br />
chantant selon leur habitude, agitant les boucliers au-dessus de leurs tètes, et<br />
brandissant leurs javelots. Néanmoins, ils étaient intimidés par l’énorme quantité<br />
de bateaux qui venaient de l'autre rive, par le grand bruit de l’eau qui les<br />
frappait, et par les cris divers des mariniers et des soldats, de ceux qui<br />
essayaient de passer le fleuve comme de ceux qui, restés sur l'autre rive,<br />
encourageaient les leurs parleurs cris, ils étaient déjà assez effrayés, quand une<br />
clameur plus terrible encore s'élève derrière eux : c'est Hannon qui a pris leur<br />
camp. Il apparaît presque aussitôt, et un double danger les menace, les bateaux<br />
débarquant une si grande quantité de combattants, et une armée inattendue les<br />
prenant à dos. Les Gaulois, après avoir essayé de faire face des deux côtés, sont<br />
repoussés. Ils se précipitent du côté où semble s'offrir l'issue la plus large et<br />
s'enfuient épouvantés, en tous sens, dans leurs villages. <strong>Annibal</strong> fait passer<br />
tranquillement le reste de ses troupes, et sans souci du rassemblement<br />
tumultueux des Gaulois, établit son camp.<br />
Je crois qu'on imagina divers procédés pour faire passer les éléphants ; ce qu'il y<br />
a de certain, c'est que les récits sont différents : les uns rapportent que les<br />
animaux furent rassemblés sur la rive, et que le plus violent d'entre eux, excité<br />
par son cornac, le suivit dans l'eau où celui-ci s'était jeté à la nage, entraînant le'<br />
reste du troupeau ; dès qu'un éléphant perdait pied et s'épouvantait de la<br />
profondeur du fleuve, le courant le portait à l'autre rive.<br />
Au reste, il est plus vraisemblable qu'on les fit passer sur des radeaux. Comme<br />
ce procédé était le plus sûr qu'on put choisir avant l'action, il est celui auquel on<br />
croit le plus volontiers.<br />
Un premier radeau, long de 200 pieds, large de 50, est placé contre la rive,<br />
s'avançant dans le fleuve ; pour qu'il ne soit pas entraîné par le courant, on le<br />
fixe au sol en amont par plusieurs cordages assez forts, et on Je couvre de terre<br />
pour que les éléphants s'y avancent résolument comme sur le sol naturel. Un<br />
autre radeau de même largeur, et long de 100 pieds, capable de traverser le<br />
Rhône, fut attaché au premier Les éléphants étaient conduits sur le radeau fixe<br />
comme sur un chemin, les femelles en tête, et passaient sur le radeau moins<br />
grand attaché au premier. Aussitôt les liens qui réunissaient les deux radeaux<br />
étaient coupés, et le radeau entraîné vers l'autre rive par quelques bateaux