Annibal
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Les barbares, voyant le mouvement de leurs adversaires, sortaient en désordre<br />
et par essaims de leurs retranchements, persuadés qu'ils arrêteraient facilement<br />
le passage des Carthaginois. Mais <strong>Annibal</strong> voyait en même temps approcher sur<br />
l'autre rive ses soldats à lui, qui signalaient leur présence par de la fumée, selon<br />
ses ordres, et il commandait à tout son monde d'embarquer en même temps, et<br />
à ceux qui étaient rangés au-dessus des barques de lutter contre le courant.<br />
L'ordre fut exécuté vivement ; les hommes montés sur les bateaux criaient à qui<br />
mieux mieux, et luttaient énergiquement contre le courant ; les deux armées,<br />
sur chaque rive, se tenaient au bord du fleuve ; celle d'<strong>Annibal</strong> partageait les<br />
émotions de ceux qui passaient, et les accompagnait de ses cris ; les barbares<br />
d'en face hurlaient leur chant de guerre et provoquaient au combat ; le tout était<br />
effrayant et produisait une violente impression.<br />
En ce moment, les barbares ayant quitté leur camp, les Carthaginois de la rive<br />
gauche leur tombèrent dessus tout à coup de la manière la plus imprévue ;<br />
quelques-uns incendièrent le camp, le plus grand nombre assaillit ceux qui<br />
observaient le passage. Les barbares, dont cet événement dérangeait toutes les<br />
prévisions, couraient à la défense de leur camp ou se défendaient et soutenaient<br />
le combat contre les assaillants. <strong>Annibal</strong>, voyant les événements tourner à son<br />
gré, ralliait et reformait vivement les premiers qui venaient de passer' et se jetait<br />
avec eux dans la mêlée contre les barbares. Quant aux Celtes, leur désordre et la<br />
surprise causée par l’événement les mirent vile en déroute, et ils prirent la fuite.<br />
44. — Le général carthaginois, maître du passage, et vainqueur de ses<br />
adversaires, s'occupait sans retard défaire passer les hommes laissés de l'autre<br />
côté. Il fit passer toutes ses troupes en peu de temps, et campa cette nuit-là<br />
près du fleuve.<br />
Le lendemain, il apprit que la flotte romaine était mouillée près de l'embouchure<br />
du fleuve ; il choisit 500 cavaliers numides et les envoya reconnaître où et<br />
combien étaient les ennemis, et ce qu'ils faisaient. En même temps, il fit<br />
préparer le passage des éléphants par les ouvriers spéciaux1.<br />
Il réunit alors son armée et lui présenta les chefs de l'entourage de Magil, venus<br />
à elle des plaines du Pô, et il fit transmettre leurs pensées à l’armée par un<br />
interprète. De tout ce qui fut dit, ce qui eut le plus de force pour inspirer<br />
confiance à la multitude, ce fut d'abord l'évidence même de la présence de ces<br />
gens, venus exprès pour appeler les Carthaginois et réclamer d'eux de combattre<br />
ensemble contre les Romains ; puis, ce qui rendait la mission intéressante, que<br />
l'armée serait conduite à travers des régions où elle ne manquerait de rien, et<br />
ferait route vers l'Italie sans danger ni longueur ; en outre, la fertilité du<br />
territoire, où elle arriverait, son étendue, le grand nombre des guerriers avec<br />
lesquels elle combattrait les troupes romaines. Les Celtes, ayant ainsi parlé, se<br />
retirèrent, mais <strong>Annibal</strong>, s'avançant alors lui-même, rappela aux troupes ce<br />
qu'elles avaient déjà fait ; il leur dit qu'elles avaient accompli beaucoup de<br />
tâches hardies et périlleuses sans échouer dans aucune, en se conformant à ses<br />
idées et à ses volontés. U les engageait donc à avoir confiance, considérant que<br />
la plus grande partie de leurs travaux était faite, puisqu'elles avaient réussi à<br />
passer le fleuve et qu'elles avaient constaté par leurs propres yeux de bonnes<br />
1 Τούς έπιτηδείους. Quelques traducteurs ont compris les cornacs des éléphants, mais,<br />
outre que ces 37 hommes n'auraient pas été capables d'accomplir un pareil travail, nous<br />
voyons, par le récit du passage du Pô, que ces έπιτηδειοί sont des spécialistes pour les<br />
travaux de pontage, des pontonniers ou des ouvriers d'art.