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Annibal

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En résumé, les premiers livres de Polybe, ceux qui nous intéressent, ont dû être<br />

écrits entre les années 150 et 144 ; la Grèce est encore libre, ou à peu près ;<br />

Polybe a parcouru entre 160 et 150 les localités auxquelles il fait allusion dans<br />

son œuvre, et il est assez âgé pour craindre déjà d'être arrêté dans son travail<br />

par la mort ou par la vieillesse. Il a conçu le plan de hon ouvrage dans les<br />

années 167-160, rassemblé et étudié les documents pendant les dix années<br />

suivantes, visité l'Afrique et la Gaule entre 160 et 149 ; il rédige sans doute à<br />

partir de 149.<br />

Il y a donc soixante-dix ans, en chiffres ronds, qu'<strong>Annibal</strong> a traversé le Rhône et<br />

les Alpes, quand Polybe recherche ses traces et écrit l'histoire de cette marche<br />

extraordinaire. Après un pareil laps de temps, il n'est pas vraisemblable qu'il ait<br />

trouvé assez de survivants de l'épopée annibalienne pour leur emprunter les<br />

éléments de son récit. Les Gaulois lui ont montré, avec certitude, les chemins<br />

suivis par l'armée carthaginoise, et les localités où s'étaient produits les incidents<br />

les plus importants de la marche ; mais c'est tout. Dès l'arrivée de Polybe à<br />

Rome, en l’an 166, cinquante-deux ans après le passage des Alpes par <strong>Annibal</strong>, il<br />

n'y avait pas à compter sur les témoignages verbaux : qui s'aviserait aujourd'hui<br />

de raconter la guerre de Crimée d'après des conversations de témoins oculaires ?<br />

Aussi, quand Polybe déclare n'avoir consulté que les contemporains, faut-il<br />

entendre par là, que, suivant les principes généraux posés aux livres XII et XXI,<br />

il a pris pour originaux les auteurs contemporain ? Les détails précis et<br />

abondants, et surtout la suite que nous admirons dans son récit, ne nous<br />

permettent pas de supposer qu'il ait été rédigé d'après les souvenirs décousus de<br />

quelques survivants ayant passé l'âge de 70 ans. M. Osiander envisage encore<br />

l'hypothèse où Polybe aurait consulté quelques vieux soldats d'<strong>Annibal</strong>, mais il ne<br />

s’y arrête pas (p. 2).<br />

Linke et Nissen ont voulu comprendre la phrase de Polybe d'une manière toute<br />

nouvelle, en admettant qu'il parlait réellement de conversations avec des<br />

contemporains, mais sur la partie géographique seulement. Cette interprétation<br />

est inadmissible, comme le fait remarquer M. Osiander1, mais en définitive, nous<br />

arrivons tous aux mêmes conclusions pratiques : Polybe a consulté et copié des<br />

textes écrits par des témoins oculaires, et il a pu s'entretenir, sur les lieux, avec<br />

d'autres survivants très âgés, dont les conversations ne l'auront renseigné qu'au<br />

point de vue topographique.<br />

Gibbon exagère un peu en disant2 : Il avait examiné lui-même tout le pays entre<br />

l'Èbre et le Pô, et il l'avait examiné avec des yeux attentifs et éclairés. Il pouvait<br />

y recueillir tous les vestiges précieux d'une tradition que soixante ans n'avaient<br />

pas encore effacés. Il pouvait s'entretenir avec des vieillards du pays qui, dans<br />

leur jeunesse, s'étaient opposés au passage d'<strong>Annibal</strong>, ou qui avaient combattu<br />

sous ses drapeaux. Il avait entrepris ce voyage difficile dans le dessein même de<br />

s'instruire sur les lieux, et d'opposer à toutes les fables qui inondaient déjà le<br />

public, une histoire vraie et simple de cette fameuse expédition.<br />

Ces vestiges de la tradition, que Polybe pouvait recueillir, n'avaient de valeur que<br />

pour préciser les localités. L'historien grec a pu, en reprenant le récit des<br />

chroniqueurs sur les lieux mêmes, apprécier la portée ou la justesse,<br />

l'importance de certaines épithètes ou de certaines phrases ; voir très<br />

1 Magdeburg fait la même observation dans sa thèse De Polybii re geographica.<br />

2 GIBBON, II, 98.

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