Annibal
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Tite-Live continue : Que croient-ils donc qu'il y ait d'extraordinaire dans les Alpes<br />
?... » et ici, nous retrouvons, non plus un discours, mais les observations de<br />
Polybe (III, 48) quand il reproche à certains historiens d'avoir donné des Alpes<br />
une idée exagérée : le développement est le même, les propositions se<br />
succèdent dans le même ordre.<br />
Certes, si quelque chose pouvait nous faire supposer que Tite-Live s'est servi du<br />
texte de Polybe, ce serait cette partie du discours d'<strong>Annibal</strong> où il reproduit des<br />
observations qui nous paraissaient personnelles à l'historien grec. Nous croyons<br />
plutôt que Polybe emprunte les éléments de ses observations aux historiens<br />
originaux.<br />
Quoi qu'il en soit, il semble bien que le discours d'<strong>Annibal</strong> ait été composé par<br />
Tite-Live comme nous venons de le dire, au moyen de trois fragments distincts,<br />
et que son œuvre littéraire se soit bornée à choisir et à polir ces trois fragments.<br />
Le résultat, du reste, n'est pas heureux, car autant le discours reproduit par<br />
Polybe est bien en situation, digne d'un chef, capable de produire l'effet voulu,<br />
autant celui qu'a composé Tite-Live, malgré toute son éloquence, est<br />
invraisemblable et incapable d'intéresser le soldat.<br />
Polybe entre dans d'assez grands détails sur les préparatifs de départ d'<strong>Annibal</strong><br />
et sa formation de marche. Tite-Live passe sous silence ces renseignements<br />
d'ordre militaire.<br />
Polybe place en cet endroit (III, 49) l'arrivée de Publius au point de passage. Tite-<br />
Live n'en parle que plus tard, mais dans les mêmes termes.<br />
<strong>Annibal</strong> se met en marche : Tite-Live commence cette partie du récit (XXI, 31)<br />
par six lignes qui ne se trouvent pas dans Polybe et où il spécifie qu'<strong>Annibal</strong> ne<br />
prend pas le chemin le plus court. Rappelons-nous que dans la conférence avec<br />
Magil, Tite-Live a déjà parlé des hésitations d'<strong>Annibal</strong>, se demandant s'il<br />
combattrait Scipion ou s'il éviterait la bataille, et a fait ressortir que le parti<br />
d'éviter les Romains était pris à la demande expresse des Cisalpins. Polybe n'a<br />
pas dit mot de tous ces faits, importants au point de vue stratégique et même<br />
politique ; Tite-Live a donc disposé de sources carthaginoises qui manquaient à<br />
Polybe.<br />
Nous arrivons à l’Île, Insula, Νησος. Elle est mentionnée par les deux auteurs,<br />
mais en termes assez différents : la rivière qui la borne est, dans Polybe, Scaras<br />
ou Scoras ; dans Tite-Live, elle s'appelle Sarar ou Saras. D'après Polybe, l'Île est<br />
grande comme le delta d'Egypte, et limitée par une montagne ; Tite-Live dit<br />
seulement : un certain espace, ou un petit espace de terrain (aliquantum ou<br />
aliquantulum), il ne parle pas d'analogie avec le delta, ni de montagne fermant<br />
l'espace entre les deux cours d'eau. En revanche, il cite le nom du roi Brancus,<br />
que Polybe ignore ou omet.<br />
Ce qu'il y a de plus grave, c'est que Tite-Live place les Allobroges à côté de l'Île,<br />
tandis que Polybe ne les nommera que beaucoup plus loin, au moment de<br />
l'entrée en montagne. Matériellement, c’est une distance de 800 stades (140<br />
kilomètres), que cette différence établit entre les deux positions de l'Île.<br />
Que disait l'auteur original ? Si c'est Polybe, nous le savons : il place les<br />
Allobroges à environ 800 stades de l’Île. Si c'est Silenos ou un autre, nous ne le<br />
savons pas ; mais Polybe est venu sur les lieux, a vu l'Île et ses habitants,<br />
traversé le pays des Allobroges : il est donc certain que s'il ne place pas ces<br />
derniers à proximité de l'Île, ni dans l'Île, c'est qu'ils n'y sont pas. C'est Tite-Live,