Annibal
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Sicile, il compte 1.000 stades, ce qui n'est pas loin de la vérité (il y a 150<br />
kilomètres du cap Bon au cap Lilybée, et 200 kilomètres de Carthage à Lilybée). Il y<br />
aurait donc, de Ceuta au cap Lilybée, près de 10.000 stades en passant par<br />
Carthage, chiffre également inconciliable avec les 18,800 stades de Gibraltar à<br />
Messine donnés plus haut. On pourrait multiplier ces exemples.<br />
Polybe traite donc les données numériques des explorateurs et des bématistes<br />
comme les historiens de son temps traitent les chroniques : il les cite isolément<br />
et ne parvient pas à les combiner. De plus, il n'imagine pas que les distances<br />
mesurées suivant les chemins puissent différer sensiblement des distances à vol<br />
d'oiseau.<br />
Quiconque a fait tant soit peu de topographie sait à quelles singulières illusions,<br />
à quelles désorientations énormes on est exposé si Ton n'enregistre pas sans<br />
cesse, et avec le plus grand soin, les angles que font les côtés successifs d'un<br />
cheminement. Polybe en vient à défigurer complètement les continents et les<br />
territoires. Il donne à l'Italie ainsi qu'à la plaine du Pô, une forme triangulaire, et<br />
le triangle paraît être une figure de prédilection à laquelle il ramène tous les<br />
contours. C'est le résultat du développement rectiligne auquel il soumet les<br />
itinéraires. On s'étonnera davantage des erreurs qu'il commet sur les dimensions<br />
de la plaine du Pô. De Séna (Sinigaglia) au fond de l'Adriatique, il admet plus de<br />
2,500 stades (444 kilomètres) et pourtant il sait que de Séna jusqu'à la ville<br />
d’Aquilée, il n'y a pas 1.483 stades (263 kilomètres). Il place donc le fond delà<br />
mer Adriatique bien au delà d'Aquilée. On s'explique cette erreur en se rappelant<br />
qu'il estime, avec raison, la longueur de la côte d'Illyrie à 6.150 stades (1.100<br />
kilomètres) entre les monts Acrocérauniens (cap Glossa) et le fond du golfe. Or, la<br />
côte illyrienne est une des plus découpées qui existent, et quand Polybe en<br />
développe la longueur suivant une ligne droite, il creuse le fond du golfe de<br />
Trieste de 200 kilomètres au delà de sa véritable position.<br />
Il évalue à 3.600 stades (649 kilomètres) la longueur de la plaine du Pô prise au<br />
pied de l’Apennin, et à 2.200 stades seulement (390 kilomètres) la longueur<br />
mesurée le long des Alpes, et selon son usage il les voit en ligne droite. La plaine<br />
du Pô se trouve donc former un triangle dont les côtés ont respectivement 390,<br />
640 et 445 kilomètres. On voit à quelle déformation il en vient. Pour nous, le<br />
côté dessiné par le pied des Alpes est beaucoup plus long que Polybe ne<br />
l'imagine ; il a au moins 600 kilomètres (au lieu de 390). En revanche, celui qui<br />
est formé par l'Apennin n'en a que 500 (au lieu de 640) et la côte n'en a pas 300<br />
(au lieu de 445). De plus, on ne peut concevoir le moyen d'assimiler cette plaine à<br />
un triangle.<br />
Revenons à la Gaule transalpine, qui nous intéresse plus directement.<br />
Toute la côte, de Gibraltar à Narbonne, est à peu près en ligne droite, selon<br />
Polybe ; il en est de même de Narbonne à Messine ; l'angle formé à Narbonne<br />
par ces deux lignes est extrêmement obtus, et la ligne Gibraltar-Messine va<br />
exactement de l'Ouest à l'Est. La côte de la Narbonnaise s'écarte donc peu de la<br />
direction Est-Ouest. Les Pyrénées, qui lui sont perpendiculaires, sont orientées<br />
du Sud au Nord, et la côte de l'Atlantique court de l'Ouest à l'Est, jusqu'à<br />
l'embouchure de l'Elbe.<br />
Le Rhône coule le long des Alpes. Or, les Alpes forment le côté Nord-Ouest du<br />
triangle cisalpin, dont nous venons de parler ; le Rhône coule donc du Nord-Est<br />
au Sud-Ouest. Polybe est peu renseigné sur son cours supérieur : il place la<br />
source du Rhône immédiatement au nord de la mer Adriatique, chez les Gaulois