Annibal
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On sait qu'en 1320, ce grand barrage a été emporté et que le fleuve, quittant<br />
brusquement le lit que lui avaient imposé les Romains, s'est rejeté vers l'étang<br />
de Vendres. Les atterrissements ont donc été interrompus de ce côté pendant dix<br />
ou douze siècles.<br />
Le dernier renseignement que nous possédions nous est fourni par la voie<br />
romaine, dont le tracé est facile à reconstituer entre Narbonne et Béziers. Au lieu<br />
de suivre la ligne droite, comme le fait à peu près la route moderne, la Via<br />
Domitia se détournait vers le Nord-Ouest, allait passer à l'emplacement même où<br />
les eaux de l'étang de Capestang ont persisté le plus longtemps. Là se trouve, au<br />
septième mille à partir de Narbonne, un pont romain qui a gardé le nom de pont<br />
Serme (Pons Septimus ?) et à partir duquel la voie subsiste en grande partie<br />
jusqu'à Béziers.<br />
De nos jours, cette voie romaine donne le singulier spectacle d'un chemin évitant<br />
la terre ferme pour aller passer dans l'eau. Il est nécessaire de supposer une<br />
situation inverse dans l'antiquité, c'est-à-dire d'admettre, non pas que l'étang de<br />
Capestang fût tout à fait desséché, mais que précisément cette partie qui est<br />
restée inondée jusqu'à nos jours était la plus étroite de toute la nappe d'eau à<br />
l'époque où la voie fut construite. Nous croyons vraisemblable que le Rubresus<br />
stagnus existait alors depuis Capestang jusqu'à la mer, sinon à l'état de lagune,<br />
du moins comme marais, et qu'il avait, sur la ligne droite de Narbonne à Béziers,<br />
une largeur plus grande que dans les environs du pont Serme.<br />
Le modelé du terrain achève de nous préciser les contours de cet étang. M.<br />
Lenthéric ayant exprimé la conviction que l’Aude coulait primitivement vers<br />
l’étang de Vendres et en avait été détourné par les Romains, on lui a opposé<br />
l'expression de Ptolémée : Αταγος ποταµοΰ έµβολάς, les embouchures de l'Aude,<br />
pour soutenir que ce fleuve avait toujours eu deux bras ; mais E. Desjardins, en<br />
produisant cet argument, n'a pas réfléchi que Ptolémée employait toujours les<br />
mots έµβολαί et έκβολαί au pluriel, et cela pour les fleuves dont l'estuaire est le<br />
plus net et le plus indivisible. Nous demeurons donc convaincu qu'à l'époque<br />
d'<strong>Annibal</strong>, l'Aude ne passait pas à Narbonne et se jetait dans le lacus Rubresus,<br />
au nord de la Clape.<br />
La région qui s étend de Narbonne à Salses n’a pas pu changer beaucoup depuis<br />
l'origine des temps historiques : le cordon littoral existait déjà, et le rivage<br />
intérieur des étangs côtoie encore les hauteurs où finissent les monts Corbières.<br />
La plaine du Roussillon, depuis Salses jusqu'aux Pyrénées, est d'une topographie<br />
assez simple, avec ses petits fleuves qui courent parallèlement vers la mer. Elle<br />
est cependant l'objet de théories excessives et que, à plupart du temps, un<br />
examen plus minutieux de la carte aurait fait écarter.<br />
On voudrait, en général, faire admettre que ces quelques ruisseaux, l’Agly, la<br />
Tet, le Réart, le Tech, la Massanne ont comblé, avec leurs alluvions, des espaces<br />
plus considérables que l'Aude, l'Orb, l'Hérault et le Rhône lui-même. Mais si l'on<br />
veut bien jeter les yeux sur la carte de l'état-major, on verra que les territoires<br />
prétendus modernes atteignent souvent des hauteurs de 8, 10, 12, 15 mètres<br />
au-dessus de la mer, d'une manière continue, ce qui doit écarter l'hypothèse<br />
d'une formation tout à fait récente par le colmatage.<br />
E. Desjardins, par exemple, pense que les alluvions de l'Agly ont comblé une<br />
partie de l'étang de Salses ; mais, s'il en était ainsi, c'est du moins à des temps<br />
préhistoriques qu'il faudrait reporter ce travail des eaux : la voie romaine allait