03.08.2017 Views

Annibal

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

cours du Rhône, de 50 kilomètres qu'il a de nos jours entre Arles et la mer, était<br />

réduit à 20, etc.<br />

On s'explique difficilement qu'on ait pu accepter si longtemps de semblables<br />

erreurs, quand il suffisait de les généraliser tant soit peu pour se voir conduit aux<br />

plus étranges contradictions.<br />

Pourquoi, notamment, attribuait-on au delta du Rhône un si rapide<br />

accroissement, une naissance si tardive, lorsqu'on trouvait le delta du Nil, 5.000<br />

ans avant l'ère chrétienne, à peu près aussi étendu que de nos jours, et les villes<br />

d'Alexandrie et de Canope existant déjà sous les noms de Ragoti et Pagonati<br />

(?)1. Cette seule comparaison devait faire pressentir que la côte de la Camargue<br />

s'était, elle aussi, fort peu déplacée depuis vingt siècles.<br />

C'est, du reste, une grave erreur que de supposer aux deltas des fleuves un<br />

accroissement général et continu. C'est par bonds que la terre empiète sur la<br />

mer devant les estuaires primitifs, et c'est par places, devant les embouchures<br />

perpétuellement mobiles, que les alluvions s'avancent vers le large, tandis qu'ils<br />

s'usent ou s'affaissent sur d'autres points.<br />

Lorsqu'un fleuve comme le Nil, le Rhône, l'Aude ou la Tet (pour embrasser toute la<br />

série des grandeurs possibles), débouche dans une mer relativement calme comme<br />

la Méditerranée, une lutte s'engage entre le courant fluvial, chargé de sables et<br />

de débris, et le flot maritime dont l'action peut être simplement normale au<br />

rivage, ou déviée transversalement par un courant. Un état d'équilibre s'établit,<br />

dans lequel les matières amenées parle fleuve se déposent à quelque distance en<br />

avant de l'embouchure, donnant naissance à un cordon littoral. La mer a clos son<br />

domaine, selon l'expression d'Élie de Beaumont, et le fleuve, de son côté, petit<br />

ou grand, a désormais une tâche déterminée à accomplir : il faut combler l'étang<br />

laissé entre l'ancien rivage et le cordon littoral. Suivant le rapport qui existe<br />

entre l'ouverture primitive de l'estuaire et la quantité d'alluvions apportée, ce<br />

travail s'accomplit plus ou moins vite. L'étang une fois comblé, le fleuve va faire<br />

un nouveau bond : il poussera quelque temps une sorte de digue naturelle en<br />

avant de son embouchure, la déplacera, mais enfin, devant la résistance de la<br />

mer, les sables s'étaleront parallèlement au rivage, un autre cordon se formera,<br />

et un nouvel étang sera clos, puis colmaté à son tour. Tout cela, comme on peut<br />

le penser, ne s'accomplit pas en dix ni en vingt siècles, et l'intervalle de temps<br />

qui sépare les fonds successifs d'un delta fluvial est supérieur à ce que nous<br />

pouvons concevoir.<br />

Les dépôts de tous les cours d'eau, dit Élie de Beaumont2, sont destinés sans<br />

doute à produire, dans la suite des siècles, des effets analogues ; mais le temps<br />

écoulé depuis que la surface du globe a pris sa forme actuelle n'a pas été assez<br />

long pour que la plupart des cours d'eau aient pu accomplir la première partie de<br />

leur tâche, qui est de remplir les lagunes littorales.<br />

Toute notre côte languedocienne se compose ainsi de cordons littoraux, dont on<br />

ne peut mesurer l'âge, et d'étangs dont le colmatage est plus ou moins avancé.<br />

Le Rhône n'a pas échappé à la loi commune, mais l'abondance de ses alluvions<br />

lui a permis, semble-t-il, de combler successivement trois appareils littoraux, et<br />

1 MASPERO, Egypte ancienne dans l'Atlas historique de Schrader.<br />

2 Leçons de géologie pratique professées au Collège de France, 1845.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!