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Annibal

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antérieurs. S'il s'est emporté en injures contre Timée et tous ceux qui se bornent<br />

â compulser des textes ; ce n'est pas qu'il dédaigne et néglige, pour sa part,<br />

cotte besogne essentielle : nul historien ancien n'en a parlé avec autant de<br />

précision, et en termes qui témoignent autant d'expérience pratique de la chose.<br />

Il veut dire simplement que la lâche de l'historien consciencieux et intelligent ne<br />

s'arrête pas là :<br />

L'histoire pragmatique comprend trois parties : l'une se compose des recherches<br />

dans les mémoires du temps, et de l'extraction des matériaux ; la seconde, c'est<br />

l'examen des villes, des localités, des fleuves, des ports et, en général, de toutes<br />

les particularités topographiques, des distances sur terre et sur mer ; enfin, la<br />

troisième a pour objet l'action politique (XII, 24).<br />

Nous pouvons, d'après tout cela, nous imaginer assez exactement la méthode de<br />

travail de Polybe, quand il ne s'agit pas de raconter ce qu'il a vu ou d'exposer<br />

des idées personnelles : écartant tous les ouvrages de seconde main, il<br />

recherche les renseignements contemporains ; d'abord les pièces authentiques,<br />

s'il y en a, puis les récits des acteurs ou témoins écrivant έξ αύτοπάθεις ou έξ<br />

αύτοψίας ; lui écrit un ouvrage de seconde main, έξ άνακρίσεως, mais ne juge<br />

pas qu'un pareil ouvrage puisse être employé à son tour comme source. Il ne<br />

répète que ce qu'il a puisé dans des relations originales ; c'est ce qu'il exprime<br />

encore, à propos du passage des Alpes, lorsqu'il dit : Nous en parlons avec<br />

assurance, parce que nos informations sur ce sujet viennent de témoins oculaires<br />

(III, 48).<br />

Encore n'accepte-t-il pas bénévolement tous les rapports des témoins oculaires ;<br />

il sait, comme nous, à quel point se trompent les auteurs de Mémoires, s'ils n'ont<br />

pas écrit au jour le jour. Et si leurs récits même sont sujets à caution, quelle<br />

confiance peut-on accorder a priori à leurs interprétations, aux causes qu'ils<br />

attribuent aux événements ? Là, Polybe fait œuvre de critique : en analysant les<br />

faits, en cherchant à les relier, à les expliquer les uns par les autres, à les<br />

reconstituer sur le terrain, à justifier par des considérations professionnelles les<br />

actions de guerre ou de politique, il voit clair autant qu'il est possible de le faire<br />

dans un temps où il existe peu de correspondance officielle. Il ne se laisse<br />

impressionner par aucune autorité : il rejette les explications du sénateur Fabius<br />

quand elles lui semblent fausses : Pourquoi ai-je rappelé Fabius et ses œuvres ?<br />

Ce n'est pas que je m'en laisse imposer par la vraisemblance de son récit, ou par<br />

le crédit qu'il trouvera chez quelques lecteurs ; l'absurdité de ses explications<br />

peut frapper le lecteur d'elle-même, sans qu'il ait besoin de mes remarques ;<br />

seulement je tiens à rappeler à ceux qui l'étudieront qu'il ne faut pas juger sur<br />

l'étiquette, mais bien voir les objets mômes. Certains lecteurs, en effet, au lieu<br />

de mesurer leur confiance à l'ouvrage lui-même, l'accorderont à la personne de<br />

l'auteur. Ils retiendront qu'il était contemporain des événements, qu'il faisait<br />

partie du Sénat romain, et aussitôt ils croiront sur parole tout ce qu'il leur dira.<br />

Je ne dis pas qu'il faille faire peu de cas de cet écrivain, mais il ne faut pas le<br />

croire toujours sur parole, et la plupart du temps il faudra procéder à une<br />

enquête préalable (III, 39).<br />

Nous trouvons là une différence très sensible entre Polybe et Tite-Live : celui-ci<br />

recherche à coup sûr les meilleurs auteurs ; pour chaque partie de son récit il<br />

adopte l'historien que sa situation mettait en mesure de mieux voir et raconter<br />

les événements ; mais il se laisse guider par la réputation de chacun, et une fois<br />

l'homme choisi, il ne discute pas l'œuvre. Polybe, au contraire, utilise tous les<br />

historiens, et n'accorde à aucun une confiance absolue : il regarde de près,

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