Annibal
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qu'ils rencontraient, et causaient ainsi un immense désordre. Ce que voyant,<br />
<strong>Annibal</strong> réfléchit qu'il n'y aurait même pas de salut pour ceux qui auraient<br />
échappé au danger, si les convois étaient perdus ; il prit donc les hommes qui<br />
avaient occupé les positions d'avance la nuit précédente, et il courut au secours<br />
de la colonne engagée sur le chemin. En cette occasion, beaucoup d'ennemis<br />
furent tués, parce qu'<strong>Annibal</strong> se jetait dessus de haut en bas, mais les pertes<br />
n'étaient pas moindres dans son armée, le tumulte dans la colonne étant accru<br />
des deux côtés par les cris et le choc des nouveaux venus. Après avoir tué le plus<br />
grand nombre des Allobriges, et mis les autres en fuite, il les obligea à fuir dans<br />
leurs demeures. Alors la foule des bêles de somme et des chevaux qui restaient<br />
arriva avec peine et laborieusement au bout du mauvais pas ; <strong>Annibal</strong>, ayant<br />
soustrait tout ce qu'il avait pu au danger, marcha sur la ville d'où les ennemis<br />
étaient partis pour l'attaquer. L'ayant trouvée presque vide, parce que tous les<br />
habitants avaient été attirés au dehors par l'espoir du butin, il en resta maître. Il<br />
en tira beaucoup de ce qui lui était nécessaire pour le présent et pour l'avenir,<br />
car il y prit un grand nombre de chevaux et de bêtes de somme, ainsi que les<br />
hommes qui avaient été pris avec eux, et pour l'avenir il trouva du blé et des<br />
bestiaux pour la subsistance de deux ou trois jours ; et qui plus est, il inspira de<br />
la crainte à ceux d’ensuite, au point qu'aucun de ceux qui se trouvaient le long<br />
de la montée n'osa l'attaquer à la légère.<br />
52. — Ayant campé là, et s'y étant arrêté un jour, il repartit. Les jours suivants,<br />
jusqu'à un certain point, il conduisit son armée en sûreté ; mais, dès le<br />
quatrième jour, il recommença à courir de grands dangers. Ceux qui habitaient<br />
près de sa roule, s'étant entendus pour le tromper, vinrent au-devant de lui avec<br />
des rameaux et des couronnes, car c'est le symbole d’amitié chez presque tous<br />
les barbares, comme le caducée pour les Hellènes. Disposé à la méfiance à<br />
l’égard de cette protestation d'amitié, <strong>Annibal</strong> sonda activement leurs pensées et<br />
toutes leurs intentions. Ils dirent qu'ils connaissaient parfaitement la prise de la<br />
ville et la ruine de ceux qui avaient essayé de lui nuire, et affirmèrent qu'ils<br />
étaient venus pour cela : ils ne voulaient faire ni supporter aucun mal, et<br />
promettaient de donner des otages. <strong>Annibal</strong> resta longtemps méfiant, ne voulant<br />
pas se fier à eux ; mais il réfléchit qu'en acceptant leurs offres, il rendrait peutêtre<br />
plus doux et plus conciliants ceux qui étaient venus à lui, tandis qu'en ne les<br />
recevant pas, il en ferait des ennemis déclarés ; il consentit donc à ce qu'ils<br />
proposaient, et feignit de conclure amitié avec eux. Les barbares ayant donné<br />
des otages, et fournissant du bétail en abondance, se mettant d'ailleurs tout à<br />
fait entre ses mains sans précaution, <strong>Annibal</strong> s'y fia dans une certaine mesure au<br />
point de s'en servir comme guides à travers les pays difficiles de ce côté. Ces<br />
gens marchent en tète pendant deux jours, puis les naturels, s'étant rassemblés<br />
et ayant côtoyé la marche de l'armée, l'attaquent comme elle traversait un<br />
précipice aux flancs escarpés et inabordables.<br />
53. — Dans celte circonstance, il aurait pu arriver que tous les compagnons<br />
d'<strong>Annibal</strong> fussent détruits de fond en comble, s'il n'avait craint, dans une certaine<br />
mesure, un événement critique, n'avait prévu ce qui allait arriver, et n'avait<br />
placé les équipages et la cavalerie en tète de colonne, les Hoplites à la queue.<br />
Ceux-ci étant aux aguets, le mal fut moindre, car ils arrêtèrent le choc des<br />
barbares. Néanmoins, beaucoup d'hommes, de chevaux et de bêtes de somme<br />
périrent. Les ennemis tenant les points les plus élevés , et attaquant ce qui était<br />
au pied, faisaient rouler des rochers sur les uns, lançaient des pierres aux autres<br />
; ils les mettaient ainsi dans une déroute complète et dans un tel péril qu'<strong>Annibal</strong><br />
fut obligé de passer la nuit avec son armée sur une roche nue très forte, séparé