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Annibal

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description de la route et la mesure de sa longueur. Nous avons à déduire de ces<br />

éléments, à peine suffisants, le tracé du chemin suivi par les Carthaginois.<br />

Quiconque aborde ce problème est tenté, paraît-il, d'agir comme si le texte de<br />

Polybe était un logogriphe organisé systématiquement par l'auteur ; comme si<br />

l'historien grec nous avait dérobé par pure malice l'indication précise des localités<br />

traversées, et avait savamment combiné un texte avec lequel, tous les mots<br />

portant, il faut retrouver la formule mystérieuse cachée avec tant de soin.<br />

Rien n'est plus faux qu'une pareille conception. Polybe, comme dit le bon Rollin,<br />

a un style militaire simple, négligé. Il n'est pas capable d'écrire avec concision,<br />

remarque Nissen, et il emploie certainement plus de mots qu'il ne serait<br />

strictement nécessaire. Il aime mieux être limpide, clair, un peu diffus, que<br />

d'être concis et énigmatique. Il a rédigé son histoire assez vite, sans recherche,<br />

et l'on se trompe fort quand on veut faire de l'exégèse sur chaque mot du récit,<br />

quand on pèse et qu'on scrute le moindre monosyllabe pour lui arracher son<br />

secret. Nous n'avons pas affaire ici à un César, pas plus qu'à un La Bruyère, mais<br />

à un hommage simple, sans prétention, qui écrit au courant de la plume, sans<br />

attacher grande importance à ses expressions (qui ne varient guère) et voulant<br />

surtout ne pas accabler le lecteur de détails oiseux en dehors des points sur<br />

lesquels il insiste. Le récit de Polybe doit être étudié par masses, et il n'y a peutêtre<br />

pas d'auteur dont on puisse dénaturer davantage la pensée en citant un<br />

mot, un membre de phrase, abstraction faite du contexte.<br />

Il y a quelque chose de vague dans son style, qui favoriserait les erreurs si l'on<br />

voulait tout prendre au pied de la lettre. Un emploi fréquent de l'imparfait pour<br />

l'aoriste et le plus-que-parfait enlève souvent toute précision au récit et, dans<br />

certains cas particuliers, ferait croire à une interversion des événements, si Ton<br />

n'était au courant des habitudes de l'écrivain.<br />

D'une manière générale, d'ailleurs, il faudrait se garder de discuter une phrase<br />

douteuse de Polybe d'après les règles ordinaires de la grammaire et de la<br />

lexicologie grecques. Il a des expressions, des tournures très personnelles,<br />

auxquelles il faut s'habituer en lisant toute son œuvre avant de passer à la<br />

traduction définitive d'un passage. Nous indiquerons plus loin quelques-unes de<br />

c's particularités, en discutant le texte de Polybe et en le comparant à celui des<br />

autres historiens d'<strong>Annibal</strong>.<br />

V. — Les textes perdus.<br />

Les seuls témoins oculaires qu'ait eus la marche d'<strong>Annibal</strong> en Gaule sont ses<br />

compagnons mêmes, puis les barbares dont il a traversé le pays. C'est à ces<br />

deux sources que tous les historiens auront puisé, directement ou indirectement.<br />

Les chroniqueurs carthaginois ont pu raconter tous les incidents de la marche.<br />

Les Gaulois n'en avaient qu'une notion plus restreinte ; ce qu'ils pouvaient bien<br />

indiquer, c'était l'itinéraire et les points remarquables où s'étaient produits les<br />

grands combats, mais leur souvenir n'étant pas fixé, ne devait pas se conserver<br />

longtemps. Il est hors de doute que Polybe, parcourant le chemin d'<strong>Annibal</strong><br />

soixante ans environ après les événements, se sera fait montrer les localités où<br />

l'armée carthaginoise avait passé et combattu. Il y avait encore des survivants,<br />

si vieux fussent-ils, et cette immense caravane de guerre, avec ses Nègres, ses

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