Annibal
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
colonel Perrin est le premier à nous dire qu'il y a une grande différence entre<br />
l'Emporion d'autrefois, ville de 100.000 habitants sous l'empire romain, et le<br />
pauvre village ruiné d'aujourd'hui, que les fièvres paludéennes ont fait<br />
abandonner. Il est aisé d'en conclure que les alluvions déposées depuis vingt<br />
siècles ont graduellement empiré la situation, laquelle ne devait pas être bien<br />
mauvaise au temps où Emporion comptait 100.000 habitants. De Marca (Hisp.<br />
1688) mentionne les traces d'un camp punique très apparentes près d'Ampurias1.<br />
Mais admettons un instant l'exactitude de toutes ces observations, qu'en<br />
résulterait-il pour la mesure' des distances parcourues d'après Polybe ? Est-ce<br />
qu'entre Carthagène et Emporion nous avons tenu compte des parcours effectués<br />
pendant deux mois dans toute la vallée de l'Èbre ?<br />
C'est donc d'Ampurias, où nous sommes venus directement de Carthagène, que<br />
nous repartons vers le Rhône.<br />
Il y a une infinité de chemins qui traversent les Pyrénées entre le Perthus et la<br />
mer ; mais deux seulement méritent d'être retenus, ceux de la Carbassère<br />
(confondu quelquefois avec le col de la Massanne) et de Banyuls.<br />
On n’aurait pas eu l'idée de citer le col de la Carbassère parmi ceux que les<br />
anciens employaient, si l'on n'avait trouvé des traces de pavage entre les<br />
baraques Couloumates et le col de la place d'Armes, par où l'on descend sur<br />
Argelès. La Carbassère est à 918 mètres d'altitude, tandis que les cols de<br />
Banyuls et du Perthus sont à 364 et 290 mètres seulement.<br />
On suppose qu'une voie romaine passait au col de la Carbassère. On a même, un<br />
peu légèrement, conclu aussitôt que cette voie était la grande Via Domitia,<br />
définie par les itinéraires. Cette opinion est inadmissible, les diverses stations de<br />
la Via Domitia ne pouvant se placer sur la route de la Carbassère aux dis’ tances<br />
indiquées.<br />
Le colonel Perrin appelle Via Salanca la route qui passe au col de la Carbassère.<br />
Elle remonte de Perelada sur Espolla, gagne le col en faisant un détour à l'Ouest,<br />
puis descend dans le ravin de la Massanne, remonte sur le contrefort des<br />
baraques Couloumates pour éviter un trop long détour, redescend franchir le<br />
torrent, remonte assez vite vers le col de la place d'Armes, passe au pied de la<br />
tour de la Massanne, et descend presque en ligne droite sur Argelès. Il y a 7<br />
kilomètres de Figuières à Perelada, 25 de Perelada au col, et 18 ou 20 du col à<br />
Elne par Argelès ; en tout 50 à 52 kilomètres. S'il ne s'agissait que de relier<br />
Illiberris à Gérone ou à Emporion, le chemin de la Carbassère serait aussi long el<br />
plus pénible de beaucoup que celui du Perthus, En allant directement d'Ampurias<br />
à Perelada par Castellon-de-Ampurias, au lieu de Figuières, on gagne 2 ou 3<br />
kilomètres.<br />
Pour aller d'Emporion à Illiberris (Ampurias à Elne), <strong>Annibal</strong> n'avait aucun<br />
avantage à passer par la Carbassère : les vallées, moins ouvertes, devaient au<br />
contraire rendre la subsistance de son armée plus difficile.<br />
On peut supposer que celte Via Salanca n'est autre que l’ancienne voie Héraclée<br />
; il resterait à prouver quel intérêt les Phéniciens et tes Grecs auraient eu a<br />
emprunter un col moins facile que celui du Perthus, pour ne pas abréger la route.<br />
1 Colonel HENNEBERT, III, VI.