Mmoires du vice-amiral baron Grivel : Rvolution-Empire - Les ...

114 MEMOIRES DU VICK-AMIRAL BARON fi R I V E L
nous désunir; mais, ne trouvant sur toutes les faces de notre
niasse aucune lacune, elle se mit à tourbillonner en poussant
des cris féroces et s'en prit à un petit chariot sur lequel étaient
nos portemanteaux, ainsi que deux calesines qui portaient
deux ou trois malades.
Parmi ceux-ci était un de nos camarades, lieutenant de vais-
seau qui n'entendait pas un mot d'espagnol et dont les poches
furent retournées en uu clin d'œil, sans que ceux qui eu pre-
naient cette peine en tirassent le moindre profit, attendu que
le pauvre gisant n'avait pas le sou. Il ne s'en livrait pas moins
à des plaintes très vives, et se servit de quelques mots d'alle-
mand qu'il avait retenus pour chapitrer les Espagnols et les
faire rougir de leur convoitise.
Cette sortie, faite si mal à propos, amena un sourire sur mes
lèvres, eu dépit du danger du moment; mais mon hilarité ne
dura pas, car, taudis que ceci se passait, ou se ruait sur nos
chevaux, on les arrachait à nos domestiques et on les faisait
galoper dans toutes les directions. D'autres escaladaient le
fourgon en criant : « liegistrar, Reijistmr^ , c'est-à-dire visiter.
C'en était donc fait de nos valises comme de nos hètes, sans
un brave capucin qui, se faisant hisser sur le chariot, déclara
qu'on n'y toucherait que sous son inspection. Il se mit, pendant
qu'on cherchait les clés, à haranguer cette canaille avec une
grande force de poumons et aussi avec beaucoup d'éloquence
« Voulez-vous, disait-il, flétrir, en maltraitant des prisonniers,
les lauriers que vos frères viennent de cueillir a Baylen? Eles-
vous des Espagnols magnanimes et généreux après la victoire
ou des Maures sans pitié? Respectez le malheur et ne touchez
pas aux affligés, de peur que la V ierge, qui est leur protectrice,
ne les venge, b J'étais durant ce sermon fort agité, comme c'est
aisé à concevoir, mais il n'en lit pas moins d'elle! sur moi et à
ce qu'il parut sur la foule, puisqu'elle s'apaisa pour le quart
d'heure. On fouilla le fourgon et, comme on n'y trouva que nos
portemanteaux, on nous permit de les prendre, ce que nos