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Mmoires du vice-amiral baron Grivel : Rvolution-Empire - Les ...

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64 MEMOIRES UL VICE-AMIRAL BARON G R V E L<br />

<strong>Les</strong> Maures, qui circulent constamment entre le fleuve Séné-<br />

gal et le désert, sont, comme on sait, extrêmement jaloux de<br />

leurs femmes, qui ue sont jolies que, dans leur toute première<br />

jeunesse. J'ai vu parmi elles des ligures ravissantes, devant les-<br />

quelles un peintre se serait extasié, et des enfants également<br />

charmants; mais la vie que mènent ces peuples est tellement<br />

<strong>du</strong>re que la beauté ne peut se conserver chez elles. Il serait<br />

difficile de faire comprendre à nos poupées civilisées comment<br />

on peut aimer, ou même supporter, une vie pareille à celle<br />

que mènent les dames maures les plus huppées; et il est dou-<br />

teux que la plus pauvre de nos paysannes voulut changer de<br />

sort avec n'importe quelle princesse <strong>du</strong> désert, bien que cette<br />

dernière ait des milliers d'arpents de sable à sa disposition,<br />

quelle voyage sur un chameau et qu'elle soit servie avec empres-<br />

sement par des esclaves. Quant aux hommes, leurs pérégrina-<br />

tions continuelles les en<strong>du</strong>rcissent de bonne heure, et leur force<br />

musculaire considérable se conserve jusqu'à un âge avancé. <strong>Les</strong><br />

plus riches ont des chevaux, mais cela ne les exempte pas des<br />

misères inhérentes à leur genre de vie. On a blâmé avec raison<br />

leur fanatisme cruel, leur avidité et les maux qu'ils font souffrir<br />

aux malheureux naufragés qui tombent entre leurs mains;<br />

mais il faut avouer que, les comblassent-ils de faveurs et les<br />

traitassent-ils en frères, peu de marins s'accommoderaient de la<br />

misérable existence <strong>du</strong> désert. Ces Maures, répan<strong>du</strong>s sur tout le<br />

littoral africain, depuis le cap Spartel jusqu'au cap Blanc et<br />

même un peu plus bas, sont pasteurs; mais ils sont aussi pil-<br />

lards ou guerriers — comme on voudra — et dominent en<br />

général les peuplades noires par l'ascendant d'une demi-<br />

civilisation. Ils sont aussi marchands et de manière à ce que<br />

tout le commerce passe par leurs mains. Tantôt ils protègent<br />

les caravanes, et tantôt ils les pillent; mais toujours ils les<br />

dominent, et elles ne peuvent se rendre <strong>du</strong> Sénégal à Tanger<br />

que sous leurs auspices.<br />

Je passai quelques jours à terre chez mon ami le greffier,

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