Mmoires du vice-amiral baron Grivel : Rvolution-Empire - Les ...

LES CENT JOURS 347
l'avaient codcIu. Il faut savoir que le brave homme dont il
s'agit était un de nos camarades de la Garde, qui avait bien
servi, mais qui appartenait à une famille noble et très en
faveur sous les Bourbons, et nous semblait destiné, par la force
des choses, à s'en aller avec eux. Je rencontrai, la veille de
l'arrivée de l'Empereur, le susdit sur le boulevard, et je lui dis
franchement : « Eh bien, mou cher, tu vas suivre ta ligne pro-
bablement, et moi de mon côté je suivrai la mienne; mais ça
ne nous empêchera pas d'être amis comme devant... — Qu'ap-
pelles-tu, me répondit-il, ma ligne? Penses-tu que je sois assez
fou pour me jeter hors de mon chemin et me séparer de mes
camarades, sans savoir ce que tout ceci deviendra! Nullement.
Mon beau-frère suivra le Roi, rien de plus naturel, et moi, je
vais demain au-devant de l'Empereur. » Puis, riant aux éclats,
il ajouta, comme s'il se méfiait de mon intelligence : » De
sorte, vois-tu, que, quoi qu'il arrive, il y en aura toujours un de
nous qui surnagera et pourra donner la main à l'autre. « Je
laisse à penser si celte déclaration nous divertit. Je note ce
trait, comme le premier qui soit venu à ma connaissance sur la
marche que suivirent beaucoup de gens. J'ignorais alors qu'il
fût de principe, parmi les grandes familles, d'avoir, dans les
guerres civiles, quelqu'un de leurs membres dans chaque
parti. J'avais pourtant étudié l'histoire, mais que sont ces ren-
seignements à côté de ceux de la pratique.
Il faut que j'ouvre ici une parenthèse, avant de continuer
mon récit.
Lorsque je parlais de suivre ma ligne, ce n'est pas que je
fusse décidé d'avance à me jeter à corps perdu dans un camp
plutôt que dans l'autre; et si le Roi se fût rendu dans la Vendée,
en faisant appel à l'honneur de ceux dont il avait reçu les ser-
ments, il est très probable que je l'eusse accompagné. Beau
coup de mes anciens frères d'armes eussent fait de même, mal
gré (jue leurs sympathies fussent d'un autre côté; et nous nous
disions souvent les uns aux autres : - Tant
que le Roi aura un