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Mmoires du vice-amiral baron Grivel : Rvolution-Empire - Les ...

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QUELQUES CROISIÈRES 69<br />

et leurs manières s'en ressentaient, et, bien qu'ils fussent en<br />

général de bons camarades, ils se familiarisaient peu avec leurs<br />

subalternes immédiats. Le ser<strong>vice</strong> ne perdait pas à cela, et on<br />

avait alors plus de respect pour les grades qu'aujourd'hui; les<br />

lieutenants jouissaient de plus de considération personnelle,<br />

par exemple, que les capitaines de vaisseau d'à présent, et <strong>du</strong><br />

petit au grand tout le monde s'estimait davantage. Nul n'eût<br />

souffert qu'on portât la moindre atteinte à ce qu'il croyait lui<br />

être dû, en affectant une sorte d'égalité. Comme on allait fort<br />

peu dans le monde, les jeunes gens disposés à s'émanciper<br />

avaient infiniment moins d'occasions qu'ils n'en ont de nos<br />

jours pour primer leurs supérieurs, et le mérite de salon était à<br />

peu près inconnu. Ce n'était guère que par son aptitude comme<br />

marin qu'on pouvait se faire distinguer. Il y<br />

avait sans doute<br />

des exceptions, surtout dans les ports de l'Ouest, où on était<br />

par nature fort accueillant, mais on était encore trop près de la<br />

Révolution pour que l'épaulette fût une garantie et pour qu'on<br />

admit dans sa maison le premier venu, uniquement parce qu'il<br />

était officier. C'est ce qui rendait les fréquentations rares, et<br />

d'ailleurs la discipline, qui se rétablissait à vue d'œil, laissait<br />

peu de temps aux beaux, quels qu'ils fussent, lorsqu'ils étaient<br />

embarqués. <strong>Les</strong> préfectures, qui venaient de naître, n'étaient<br />

point, comme elles le sont devenues depuis, un lieu de rendez-<br />

vous général, et le cercle qui y figurait était fort restreint. A<br />

bord on faisait non seulement la garde, mais le quart comme à<br />

la mer, dès que le bâtiment figurait sur la rade. C'était l'excès<br />

<strong>du</strong> bien, mais un excès fort gênant, et je me souviens avec<br />

peine d'avoir mangé mon dîner sur le pont plusieurs fois, en<br />

vertu de l'ordonnance que notre commandant faisait suivre à la<br />

lettre. C'était <strong>du</strong>r lorsqu'on était amarré sur un corps mort et<br />

qu'on n'avait pas de voile en vergue, mais c'était peut-être né-<br />

cessaire pour ramener l'ordre. Au reste, tous les vaisseaux ne se<br />

soumettaient pas à cette rigoureuse exactitude, et, pour cette<br />

raison, on nous appelait, en plaisantant, les esclaves. Heureuse-

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