Mmoires du vice-amiral baron Grivel : Rvolution-Empire - Les ...

240 MÉMOIRES DU VICE-AMIRAL ItARON GRIVEL
rent. Elle avait de l'esprit comme quatre cl elle était tellement
séduisante que plusieurs beaux du corps d'année s'y étaient
laissé prendre, sans en être pour cela plus avancés. Mariée de
bonne heure à un oncle fort âgé et qui eût pu être son grand-
père, \largarita n'eu menait pas moins une vie régulière et
exempte de tout reproche. Seulement elle se laissait volontiers
aller à la gaieté de ses vingt ans et ne faisait pas mystère de ses
prédilections pour les hommes aimables et distingués qui foi-
sonnaient autour d'elle. Pourtant on ne lui connaissait aucun
goût particulier, et ce n'est qu'en général qu'elle paraissait
sensible au mérite de son entourage. Lorsqu'on se rendait
chez elle, on la trouvait constamment avec sa mère ou sa cou-
sine, jeune tille fort jolie, mais insignifiante, et on voyait rare-
ment son vieil époux. Les portraits de Alouroë et de iUaddison
et de quelques autres présidents des Etats-Unis, pendus à la
muraille, étaient les seuls gardiens du lieu, et il i en fallait
réellement pas d'autres selon la chronique.
On m'avait logé chez un vieil escrivano, assez pauvre
homme, mais dont je ne voyais guère la face, aimant mieux
avoir affaire à sa famille qu'à lui. Je causais souveut avec sa
femme et sa grande fille, qui n'était point remarquable par ses
agréments, mais qui était ce qu'on appelle chez nous une bonne
pâte. Ces dames me faisaient force compliments sur la beauté
de ma troupe, lorsque j'en passais la revue, le dimanche, au
sortir de la messe. En cela, au reste, elles n'étaient que l'écho
de tout le peuple féminin de Rota, et c'était parmi les fillettes
de medio pelo à qui aurait un querido parmi les marins de la
Garde, qui, récemment habillés à neuf et parfaitement équipés,
étaient d'un aspect, en effet, irrésistible.
C'est en causant sur ce chapitré que j'appris combien Mar-
garita était étonnée que le commandant de celte belle troupe
ne se lut pas présenté chez elle, .le m'y rendis donc un beau
jour, et j'y fus accueilli de telle sorte que bientôt je n'en
sortis plus. Il va sans dire que je fus immédiatement sous le