Mmoires du vice-amiral baron Grivel : Rvolution-Empire - Les ...

354 MEMOIRES DU VICE-AMIRAL BARON CRIVEl.
fort à faire, à cause de l'effervescence méridionale. C'est ce qui
arriva, eu effet, comme je le dirai eu sou lieu.
Eu attendant, je me rendis chez le commissaire de la Marine
qui était chargé du service, et j'en pris sur-le-champ la direction.
Je trouvai Marseille assez calme. La prochaine arrivée du
maréchal Brune, nommé au commandement de l'armée des
Alpes, tenait tous les esprits en suspens, et quoique la rentrée
des volontaires royaux, qui avaient été se faire battre à la Palud
par les paysans dauphinois, assistés de quelques troupes de
ligne, eut mis la garde nationale de mauvaise humeur, il n'y
paraissait pas autrement. On comprend que la ville ne pouvait
être satisfaite, néanmoins, car la cessation de la paix, qu'elle
commençait à goûter depuis si peu de temps, la minait. En
effet, toutes les entreprises arrêtées et les armements par suite,
sans compter les mises dehors à peu près perdues, ne pouvaient
qu'indisposer cette population active qui vit du commerce, et,
depuis le dernier portefaix jusqu'au plus riche négociant, cha-
cun donnait de bon cœur au diable le retour de l'Empereur.
C'est sous cette impression que je trouvai la population, en
général. 11 y avait quelques exceptions, sans doute, mais assez
rares; cependant on comptait un commissaire de Marine,
quelques anciens aspirants, un imprimeur et plusieurs Proven-
çaux des environs. Ces messieurs formaient une sorte de uoyau
bonapartiste, mais n'obtenaient aucune confiance. Je ne jugeai
pas à propos d'user de ces personnes, car je connaissais de
longue date l'esprit des Méridionaux et savais à quel point ils
sont extrêmes en tout. Et mon rôle était de concilier.
Je commençai par le commencement, comme c'était naturel,
et puisque je n'avais que la force morale que me donnaient les
circonstances, je l'employai franchement, mais sans le moindre
bruit. Le bureau du port marchand avait été son tableau fleur-
delisé, mais ne l'avait pas remplacé. Les bâtiments marchands,
si empressés d'arborer leur pavillon blanc, le dimanche, ue
l'arboraient plus, mais ne le remplaçaient pas davantage J'eu-