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suis rendu compte, tout à coup, d'un<br />

Page 209<br />

son caractéristique, qui semblait celui du vent dans la forêt. J'ai<br />

regardé les arbres ; ils étaient immobiles ; cependant ce son augmentait<br />

rapidement, à tel point que l'air, dans ce vallon solitaire, paraissait vibrer<br />

puissamment. Un sentiment étrange d'attente, presque peureux, m'avait<br />

envahi. Pas une feuille ne s'agitait dans le bois, lorsque d'un coup ce<br />

bruissement formidable s'est transformé en un chant choral, un hymne<br />

grandiose chanté par des milliers de voix, qui s'est répandu très<br />

rapidement d'une colline à l'autre, en se perdant au loin dans la plaine,<br />

comme l'écho du tonnerre. Comme il arrive en certains préludes<br />

mélodiques joués par l'orgue, les notes se superposaient aux notes<br />

avec une lenteur et un art majestueux, se groupant ensuite en thèmes ;<br />

ensuite le chœur merveilleux, chanté par des voix innombrables, finit<br />

par ces mots : Vivat terrestriae ! Toute l'atmosphère était envahie par<br />

le chant formidable qui paraissait se glisser rapidement sur la surface du<br />

sol, en des ondes puissantes, sans aucun écho, sans aucune répercussion.<br />

Après cela, des profondeurs des cieux retentit une voix puissante,<br />

pénétrante, insinuante, remplie d'une douceur céleste. Bien plus<br />

robuste que le son d'un orgue, ou de tout autre instrument terrestre,<br />

cette voix surhumaine semblait darder en ligne droite à travers le<br />

firmament, avec l'instantanéité d'une flèche. Et pendant que la grande<br />

voix résonnait en haut, en augmentant de force, le chœur terrestre<br />

s'éteignait graduellement, en la laissant dominer dans le ciel. Alors, à<br />

son tour, cette voix se décomposa en des fragments de mélodies célestes,<br />

infiniment différentes de celles de la terre ; on aurait dit des accents<br />

vibrants de victoire et de jubilation, tandis que les mots : Vivat<br />

Coelum ! retentirent à plusieurs reprises, chaque fois plus faiblement,<br />

comme si la voix se retirait rapidement dans les profondeurs du ciel, au<br />

milieu des abîmes étoilés. Et le silence ne tarda pas à régner de<br />

nouveau autour de moi.<br />

J'étais incontestablement réveillé ; ma pensée ne divaguait point<br />

en des réflexions ou des fantaisies capables de me suggestionner en<br />

cette direction... Comment pareille chose peut-elle se produire ?<br />

Comment nos facultés cérébrales peuvent-elles nous gratifier de visions<br />

ou auditions si inattendues, si supérieures à notre savoir ? Pourquoi<br />

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