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Page 066<br />

Race Traubel, j'allais le veiller dans les dernières heures de la nuit.<br />

J'attendais d'un instant à l'autre sa fin, et mes pensées restaient<br />

spirituellement sereines et élevées, conformément à la solennité de<br />

l'heure et de l'ambiance, ainsi qu'en vertu d'une sorte de magnétisme<br />

spécial qui semblait se dégager de l'homme qui s'éteignait – un grand<br />

altruiste ayant consacré son existence au service de l'humanité. D'autres<br />

fois j’avais observé cette espèce curieuse de magnétisme spirituel, et<br />

toujours en présences de grands caractères – jamais avec des hommes<br />

ordinaire.<br />

Horace Traubel s'éteignait par paralysie et épuisement, mais il ne<br />

semblait pas souffrir. Il était semi-conscient et articulait difficilement les<br />

paroles à cause de la paralysie de la langue ; mais ses yeux, toujours vif<br />

et expressifs, vous faisaient aisément deviner ses désirs.<br />

Dans la dernière nuit, vers 3 heures du matin, il empira tout à coup ;<br />

la respiration devint presque imperceptible, les yeux se fermèrent ; il<br />

paraissait plongé en des conditions comateuses, pendant que son corps<br />

était ébranle, par des mouvements convulsifs. Quelque temps après, il<br />

rouvrit les yeux, en regardant fixement aux pieds du lit ; les lèvres<br />

s'agitaient dans un effort vain pour parler. En supposant qu'il eût besoin<br />

de respirer plus librement, je replaçai délicatement sa tête dans la<br />

situation normale ; mais il se retourna aussitôt, en regardant de nouveau<br />

dans la même direction et en fixant un point placé à trois pieds au-dessus<br />

du lit. Alors je fus irrésistiblement amené à regarder de ce côté. La pièce<br />

était insuffisamment éclairée par une veilleuse placée derrière un rideau,<br />

au coin de la chambre. Petit à petit, le point où s’adressaient nos regards<br />

s’éclaircit ; un petit nuage apparu, qui se répandit et grandit rapidement ,<br />

en prenant bientôt une forme humaine, dans laquelle se tracèrent les traits<br />

de Walt Whitman. Il se tenait debout à coté du lit du mourant, habillé<br />

d’un rude veston léger, avec son habituel chapeau en feutre sur sa tête, et<br />

la main droite dans sa poche – pose qui lui était familière et que l’on voit<br />

reproduire dans quelque uns de ses portraits. Il regardait Traubel et lui<br />

souriait affectueusement, comme s’il avait voulu l’encourager et lui<br />

souhaiter la<br />

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bienvenue. Par deux fois il lui fit un signe de la tête ; on<br />

comprenait, de l'expression du visage, qu'il se proposait de relever son<br />

moral. Il resta entièrement visible durant une minute environ ; après quoi

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