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- Le clou s'est détaché ? le piton s'est rompu ?<br />

Rien de tout cela. Imaginez-vous qu'avant-hier, j'avais travaillé<br />

toute la soirée ; il était minuit moins un quart, j'étais fatigué, et,<br />

cependant, j'avais encore à revoir les épreuves d'une petite édition<br />

compacte de mon Ovide. Je me décide à allier ma fatigue avec mon<br />

travail, en me couchant et en revoyant les épreuves dans mon lit- Je me<br />

couche donc ; je mets ma bougie sur ma table de nuit ; sa lueur se reflète<br />

sur le portrait de ma pauvre amie ; mon œil suit la lueur de la bougie ; je<br />

lui dis bonsoir comme d'habitude... Une fenêtre entrouverte laissait passer<br />

un peu de vent ; le vent fait vaciller la flamme de ma bougie, de sorte<br />

qu'il me semble que le portrait me répond bonsoir, par un mouvement de<br />

tête pareil au mien ! - Vous comprenez que je traitai ce mouvement de<br />

vision, de folie ; mais, folie ou vision voilà mon esprit qui se préoccupe<br />

de ce mouvement ;<br />

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voilà que plus j'y pense, plus je me figure qu'il est réel ; voilà que<br />

mes yeux, attirés vers un seul point, quittent mon Ovide pour se fixer sur<br />

le cadre ; voilà que mon esprit distrait remonte malgré lui aux premiers<br />

jours de la jeunesse ; voilà que ces premiers jours repassent un à un<br />

devant moi... Dame ! je crois vous l'avoir dit, l'original de ce pastel a tenu<br />

une grande place dans ces premiers jours ! Me voilà donc voguant à<br />

pleines voiles dans mes souvenirs de vingt-cinq ans ; je parle à la copie<br />

comme si l'original pouvait m'entendre, et voilà que ma mémoire répond<br />

pour lui ; voilà qu'il me semble que le pastel remue les lèvres ; voilà qu'il<br />

me semble que ses couleurs s'effacent ; voilà qu'il me semble que sa<br />

physionomie s'attriste et prend une expression lugubre... quelque chose<br />

comme un sourire d'adieu passe sur ses lèvres ; une larme monte jusqu'à<br />

ses yeux, et est prête à mouiller le verre. Minuit commence à sonner : je<br />

frissonne malgré moi ; - pourquoi ? je n'en sais rien ! Le vent soufflait au<br />

dernier coup de minuit, comme la cloche vibrait encore, la fenêtre<br />

entrouverte s'ouvre violemment, j'entends frémir comme une plainte, les<br />

yeux du portrait se ferment, et, sans que le clou qui le soutenait se brise,<br />

sans que le piton se détache, le portrait tombe et ma bougie s'éteint. Je<br />

voulais la rallumer, mais plus de feu dans l'âtre, plus d'allumettes sur la<br />

cheminée ; il était minuit, tout dormait dans la maison ; aucun moyen, par<br />

conséquent, de faire de la lumière ; je refermai la fenêtre et je me<br />

couchai... Sans avoir peur, j'étais ému, j'étais triste, j'avais un grand<br />

besoin de pleurer ; il me semblait entendre passer par ma chambre<br />

comme le froissement d'une robe de soie... Trois fois ce bruit fut si

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