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cherchant un lien entre le rythme de la sonnette et le battement de mon<br />
cœur, mais je n'en ai trouvé aucune. Au cours de ces quatre semaines,<br />
la nature de la musique s'était radicalement modifiée ; d'abord, elle<br />
avait graduellement acquis de la sonorité, de manière qu'elle dépassait<br />
désormais toute autre sorte de bruits ; le soir, quand je me mettais en<br />
devoir de lire ou d'écrire, elle constituait un empêchement. Avec<br />
l'augmentation de la sonorité elle avait perdu au point de vue<br />
mélodique ; à ce moment, on aurait pu la comparer à un groupe de<br />
sonnettes qui retentiraient toutes simultanément. A la longue, ma<br />
femme aussi commença à désirer la fin des manifestations, parce que ce<br />
tintement perpétuel l'agaçait et excitait ses nerfs. Conformément à nos<br />
désirs, vers le milieu de novembre, elles cessèrent complètement ; depuis<br />
lors, ni moi ni ma femme n'avons pu percevoir le moindre son.<br />
Seulement, leur disparition réveilla de nouveau en moi le doute<br />
que cette prétendue « musique des sphères » ne fût qu'une conséquence<br />
de la dépression de nos esprits. Ma femme commençait déjà à partager<br />
mes doutes, et ceci la rendait désillusionnée et triste. Mais voilà qu'après<br />
huit jours, la musique reprend avec des sons plus harmonieux que<br />
jamais, poursuivant ainsi jusqu'au jour de Noël. A la veille de cette fête,<br />
elle reprit avec une vigueur extraordinaire, en retentissant limpide,<br />
mélodieuse, et en parodiant une variété de rythmes absolument<br />
nouveaux. Après Noël, elle cessa encore ; le jour de l'An, nous pensions<br />
qu'elle devait se faire entendre, mais nous avons été déçus, ce silence<br />
se prolongea durant presque tout le mois de janvier.<br />
Ainsi, ma femme et moi avions entendu cette musique dans les<br />
conditions d'esprit les plus différentes : aussi bien lorsque nous étions<br />
préoccupés ou déprimés, que quand nous étions sereins et calmes ; quand<br />
nous étions bien portants comme quand nous étions malades ; ces<br />
différentes circonstances ne modifiaient point sa modalité, et elle nous<br />
parvenait toujours de la même direction. Aussi, tout bien considéré, il ne<br />
nous était plus possible d'éprouver le moindre doute au sujet de sa<br />
réalité.<br />
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Dans cette deuxième période de silence, nous croyions que la musique<br />
avait cessé définitivement. Au contraire, elle recommença vers la fin de<br />
janvier, en changeant totalement de nature. Ce n'étaient plus des sonnettes<br />
qui tintaient, c'était un concert de flûtes. Au commencement de mars,<br />
nouveau changement ; la musique devint particulièrement mélodique ; mais<br />
ce n'étaient plus des flûtes qui jouaient ; il s'agissait d'un chœur vocal avec