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Dans les États civilisés, la cause première de la corruption des<br />
mœurs consiste en une trop grande réunion d’habitants dans un même<br />
lieu. Les causes secondaires, qui donnent une activité funeste aux<br />
miasmes moraux, sont le défaut de police, la disproportion des fortunes,<br />
et un trop grand nombre de célibataires. Une police qui ne réprime point<br />
convertit les vices particuliers en habitudes générales, les autorise, les<br />
fortifie. La trop grande disproportion de fortune divise la population en<br />
deux classes ; l’une, oisive, pour se soulager du poids de l’ennui,<br />
concevant des goûts successifs et toujours plus irritants, des jouissances<br />
factices ou raffinées, a besoin de corrompre ; l’autre, tourmentée par des<br />
besoins réels, a besoin d’être corrompue pour recevoir le prix de la<br />
corruption. Les célibataires, quelle que soit la loi qui leur commande cet<br />
état, ne peuvent longtemps résister au vœu de la nature, parce que les<br />
lois qui la contrarient sont toujours impuissantes : ils sont donc réduits <strong>à</strong><br />
les transgresser, et <strong>à</strong> augmenter le nombre des agents de la corruption<br />
publique. Ainsi ce n’est point le manque de prêtres célibataires, comme<br />
on le pense vulgairement, mais ce sont leurs passions et leur multitude<br />
qui contribuent <strong>à</strong> amener la dépravation des mœurs. Il est constant que<br />
le pays de l’Europe où les mœurs sont le plus dépravées est celui où les<br />
prêtres sont le plus abondants : c’est un fait avéré devant lequel viennent<br />
se briser tous les sophismes contraires.<br />
Or, dans les siècles dont j’esquisse les mœurs, cette grande<br />
population des villes, cette cause première de leur corruption n’existait<br />
pas aussi éminemment qu’elle existe aujourd’hui. Les villes capitales de<br />
provinces étaient bien moins habitées que ne le sont certains villages, et<br />
Paris moins peuplé que certaines villes de provinces ; et cependant,<br />
quoique les cérémonies religieuses et la crédulité ne manquassent point,<br />
la corruption était dans les XIIIe, XIVe et XVe siècles, par le défaut de<br />
police et l’abondance de célibataires, beaucoup plus grande qu’elle ne<br />
l’est maintenant. Je vais en fournir quelques preuves.<br />
On trouve que, dès le commencement du XIIe siècle, Guillaume