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Le prédicateur Menot, qui, comme Maillard, a prêché longtemps <strong>à</strong> Paris,<br />
peint les mêmes mœurs avec les mêmes couleurs, les mêmes talents,<br />
avec des expressions aussi triviales, aussi peu ménagées.<br />
Barlette, autre prédicateur, n’est pas moins indécent. Je ne<br />
rapporterai, de ses sermons, qu’un seul passage où, <strong>à</strong> propos de l’amour<br />
charnel, il introduit une jeune fille qui lui adresse ces paroles, que je suis<br />
forcé de paraphraser. « Ô mon père ! mon amant m’aime beaucoup : il<br />
m’a donné de très belles manches rouges ; il m’a fait plusieurs autres<br />
présents. Il m’aime d’un véritable amour : je le vois bien par l’ardeur<br />
apparente qu’il éprouve près de moi 362 . »<br />
Si les prédicateurs étaient aussi licencieux, on doit juger que les<br />
poètes, les conteurs et autres écrivains devaient l’être davantage. Les<br />
fabliaux, et surtout ceux qui sont contenus dans le troisième volume<br />
qu’en a publié Barbazan ; les Contes de Boccace, ceux de la Reine de<br />
Navarre, les Cent Nouvelles racontées <strong>à</strong> la cour du duc de Bourgogne, le<br />
Pantagruel de Rabelais, et mille autres ouvrages de ce genre, en offrent<br />
la preuve.<br />
Les historiens n’ont pas été exempts de cette indécence, ou plutôt<br />
de cette insouciance dans la manière de décrire certains objets.<br />
Froissart, historiographe et chanoine, <strong>à</strong> propos du supplice de messire<br />
Hugues le Despencier le fils, en rapporte une circonstance, avec des<br />
expressions de la plus grossière débauche 363 .<br />
Jean d’Auton, prêtre et historiographe de Louis XII, en parlant,<br />
dans l’histoire de ce monarque, d’une naissance monstrueuse, emploie,<br />
au grand étonnement des lecteurs actuels, les mêmes expressions que<br />
Froissart. Il les répète sans répugnance ; et elles se trouvent, en toutes<br />
362 On ne peut, sans blesser toutes les règles de la pudeur, rendre autrement ce que le moine effronté<br />
ose, sans nécessité, exprimer dans un sermon : Vidimus cum turgesceret virgultus, fait-il dire <strong>à</strong> cette<br />
jeune fille. Voyez fructuosissimi atque amoenissimi sermones fratris Gabrielis BARLETTE,<br />
dominica prima adventus Domini, fol. 266, verso.<br />
363 Chroniques de Froissart, vol. I, chap. XIV, p. 11.