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croit que Rabelais avait en vue cet usage, lorsqu'il fait dire au juge<br />
Grippeminaut : « Or ç<strong>à</strong> , vous autres gentils innocens, or c<strong>à</strong>, y serez bien<br />
innocentés, etc. 397 . »<br />
La galanterie du vieux temps parvint, en certains lieux, <strong>à</strong> enlever<br />
cette cérémonie <strong>à</strong> la religion ; elle s'en empara entièrement. C'était<br />
l'usage des jeunes gens, c'était même leur privilège, d'aller ce jour-l<strong>à</strong>, de<br />
grand matin, surprendre leurs maîtresses au lit, et d'agir auprès d'elles<br />
comme un maître d'école agit envers ses élèves indociles. On prévoit<br />
que la jeunesse des acteurs de cette scène aiguillonnante les portait <strong>à</strong><br />
étendre ce privilège au-del<strong>à</strong> de ses bornes, et que l'abus, trop voisin de<br />
l'usage, devait naturellement en être la suite.<br />
On raconte qu'un seigneur du Rivau, prenant congé de quelques<br />
dames pour se rendre <strong>à</strong> une partie de chasse, dans un lieu fort éloigné,<br />
entendit l'une d'elles dire : Nous allons dormir <strong>à</strong> notre aise, et nous<br />
passerons les Innocents sans les recevoir. Ces paroles frappèrent du<br />
Rivau. Il vole <strong>à</strong> son rendez-vous, puis fait rapidement vingt lieues de<br />
chemin pour arriver de grand matin le jour des Innocents chez la dame,<br />
la surprend au lit, et use du privilège de la fête 398 .<br />
Cette coutume existait <strong>à</strong> Dijon. Voici ce qu'on lit dans les<br />
Escraignes Dijonnaises : « Vous savez que l'on a <strong>à</strong> Dijon cette peute<br />
coutume de fouetter les filles le jour des Innocens, laquelle est<br />
entretenue par les braves amoureux, pour avoir occasion de donner<br />
quelques choses aux estrennes <strong>à</strong> leurs amoureuses. » C'est <strong>à</strong> ce sujet que<br />
l'auteur rapporte deux aventures qu'on ne trouvera point ici 399 .<br />
Marot témoigne l'existence de cet usage, et surtout de son abus,<br />
dans les vers suivans :<br />
397 Pantagruel, liv. V, chap. XII.<br />
Très chere sœur, si je savoys ou couche<br />
398 Alphabet de l'auteur français <strong>à</strong> la suite du Pantagruel de Rabelais, aux mots fouetteurs, du Rivau.<br />
399 Les Escraignes Dijonnaises, liv. I, sect.XVIII.