statistique, théorie et gestion de portefeuille - Docs at ISFA
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376 12. Gestion <strong>de</strong>s risques grands <strong>et</strong> extrêmes<br />
ainsi que <strong>de</strong>ux années <strong>de</strong> tourmentes sur les<br />
marchés financiers, ont fait fondre la capitalis<strong>at</strong>ion<br />
boursière mondiale <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 30% par rapport<br />
à son niveau <strong>de</strong> 1999, pour la ramener à<br />
un montant <strong>de</strong> 25100 milliards <strong>de</strong> dollars. Un<br />
autre crash d’une telle ampleur, se déclenchant<br />
simultanément (comme en octobre 1987) dans la<br />
plupart <strong>de</strong>s bourses mondiales, amènerait encore<br />
une perte quasi-instantanée <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 7500 milliards<br />
<strong>de</strong> dollars. Ainsi, <strong>de</strong> par les sommes astronomiques<br />
qu’ils engloutissent, les crashs financiers<br />
peuvent anéantir en quelques instants les<br />
plus gros fonds d’investissement, ruinant, par la<br />
même, <strong>de</strong>s années d’épargne <strong>et</strong> <strong>de</strong> financement<br />
<strong>de</strong> r<strong>et</strong>raite. Ce pourrait-il même qu’ils soient,<br />
comme en 1929-33 après le grand crash d’octobre<br />
1929, les précurseurs ou les déclencheurs <strong>de</strong><br />
récessions majeures ? Voire, qu’ils puissent mener<br />
à un écroulement général <strong>de</strong>s systèmes financiers<br />
<strong>et</strong> bancaires qui semblent y avoir échappé <strong>de</strong> justesse<br />
déjà quelques fois dans le passé ?<br />
Les gran<strong>de</strong>s crises <strong>et</strong> les crashs financiers sont<br />
également fascinants parce-qu’ils personnifient<br />
une classe <strong>de</strong> phénomènes appelés “phénomènes<br />
extrêmes”. Des recherches récentes en physique,<br />
psychologie, en <strong>théorie</strong> <strong>de</strong> jeux ou<br />
encore en sciences cognitives au sens large<br />
suggèrent qu’ils sont les caractéristiques incontournables<br />
<strong>de</strong> systèmes complexes autoorganisés.<br />
Marchés turbulents, crises, crashs exposent<br />
donc un investisseur à <strong>de</strong> grands risques<br />
dont la compréhension précise <strong>de</strong>vient essentielle.<br />
Compte-tenu <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s marchés <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
leurs caractéristiques citées plus haut, il est plus<br />
que jamais dans l’intérêt <strong>de</strong>s <strong>gestion</strong>naires <strong>de</strong> <strong>portefeuille</strong>s<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong>s investisseurs en général <strong>de</strong> comprendre<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> gérer les risques extrêmes.<br />
Distributions<br />
<strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>ments<br />
à queues épaisses<br />
Le premier pas vers une quantific<strong>at</strong>ion <strong>de</strong>s grands<br />
risques est d’adm<strong>et</strong>tre que les <strong>st<strong>at</strong>istique</strong>s <strong>de</strong>s<br />
risques – que ce soient les risques <strong>de</strong> marchés associés<br />
aux fluctu<strong>at</strong>ions <strong>de</strong>s actions ou la distri-<br />
bution <strong>de</strong>s remboursements survenant à la suite<br />
<strong>de</strong> sinistres ou <strong>de</strong>s sinistres eux-mêmes – suivent<br />
<strong>de</strong>s distributions à queues épaisses. Ainsi, le paradigme<br />
gaussien, en vogue en finance jusqu’à une<br />
pério<strong>de</strong> rel<strong>at</strong>ivement récente, n’est plus <strong>de</strong> mise<br />
aujourd’hui. Sa disparition a laissé le champ libre<br />
à diverses modélis<strong>at</strong>ions possibles <strong>de</strong>s risques,<br />
par exemple la modélis<strong>at</strong>ion Parétienne, très appliquée<br />
en finance, <strong>et</strong> la modélis<strong>at</strong>ion à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
distributions dites “exponentielles étirées” que<br />
nous avons développée ces <strong>de</strong>rnières années.<br />
Ces <strong>de</strong>ux classes <strong>de</strong> distributions sont qualifiées<br />
<strong>de</strong> sous-exponentielles, c’est-à-dire que la probabilité<br />
d’occurrence d’événements extrêmes est<br />
plus probable qu’avec une distribution exponentielle.<br />
Cela a pour conséquence immédi<strong>at</strong>e que<br />
<strong>de</strong> telles distributions n’adm<strong>et</strong>tent pas <strong>de</strong> moment<br />
exponentiel, ou pour adopter le langage <strong>de</strong> la<br />
<strong>théorie</strong> <strong>de</strong> la ruine, ces distributions ne s<strong>at</strong>isfont<br />
pas à la condition <strong>de</strong> Cramér-Lundberg.<br />
Sous l’hypothèse que les ren<strong>de</strong>ments sont distribués<br />
<strong>de</strong> manière i<strong>de</strong>ntique <strong>et</strong> indépendante ou<br />
ne possè<strong>de</strong>nt qu’une faible dépendance, ces distributions<br />
caractérisent complètement les risques.<br />
Cela a l’énorme avantage <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre d’établir<br />
<strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> comportement universelles, liées à<br />
certains théorèmes <strong>de</strong> convergence m<strong>at</strong>hém<strong>at</strong>ique<br />
tels que la loi <strong>de</strong>s grands nombres, le théorème <strong>de</strong><br />
la limite centrale, la <strong>théorie</strong> <strong>de</strong>s valeurs extrêmes<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s dévi<strong>at</strong>ions. L’immense majorité <strong>de</strong>s<br />
<strong>théorie</strong>s sur la <strong>gestion</strong> <strong>de</strong>s risques, établies aussi<br />
bien en finance qu’en assurance, est fondée sur<br />
c<strong>et</strong>te hypothèse d’indépendance.<br />
Dépendance temporelle<br />
intermittente à l’origine<br />
<strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s pertes<br />
Ce premier pas s’avère en fait très insuffisant<br />
pour apprécier toute la dimension <strong>de</strong>s risques<br />
réels encourus. En eff<strong>et</strong>, <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s récentes<br />
indiquent que l’hypothèse d’indépendance <strong>de</strong>s<br />
ren<strong>de</strong>ments sur <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s successives (par<br />
exemple journalières) tombe en défaut lors <strong>de</strong><br />
grands mouvements qui s’avèrent persistants :