Actas da - Xunta de Galicia

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Robert Lafont
Aller plus loin, c'est nécessairement hiérarchiser les traits sur un
soubassement de linguistique diachronique: observer des évolutions qu'on dira
structurantes au large. Ainsi la distribution du gallo-roman en oc et oïl, en
occitan et en français, se fonde sur le fait que le a tonique du latin est resté
intact dans le premier cas, s'est palatalisé en é dans le second: prat et pré. Un
paquet de traits jugés importants va ainsi fonder l'existence d'une langue audessus
des parler. On use pour cela d'arbitraire, mais d'un arbitraire raisonnable
et raisonné.
Mais on se heurte aussitôt au problème des sous-ensembles dans l'ensemble,
c'est-à-dire des dialectes dans la langue. Et tout devient très difficile.
Généralement, dans le cadre des langues hégémoniques, c'est un dialecte qui
a été institué en référence centralisatrice, en absorbant un plus ou moins grand
nombre de traits appartenant aux autres. Le français est du francien, parler de
l'Île-de-France, l'italien du toscan, ou florentin.
Ces deux exemples ouvrent le champ à deux pratiques totalement inverses.
En France, le francien, devenu langue du roi, puis langue nationale avec la
Révolution, a versé tout ce qui n'était pas lui dans l'indistinction des "patois",
dont la seule définition possible est précisément de n'être pas des langues, avec
le ferme projet de les faire disparaître de l'usage. La tolérance récente accordée
aux "langues d'oïl" représente un embarras stratégique beaucoup plus qu'un
changement de principes et de projet.
En Italie, des raisons historiques, comme la date tardive de l'unité nationale
et le peu de durée, somme toute, du terrorisme linguistique fasciste, expliquent
une pratique de superposition. Le toscan a d'abord été une langue littéraire, et
partiellement administrative commune aux États de la Péninsule, mais non la
seule. Ce n'est qu'avec le Risorgimento qu'il est devenu national. À une époque
toute récente, le brassage des populations et l'influence de l'audio-visuel en ont
fait le moyen de communication de tous les Italiens. Mais la dialectophonie
reste vivace, y compris dans la création poétique, et n'est l'objet d'aucune
réprobation.
Ajoutons qu'à la différence de la France, l'Italie fait une distinction officielle
entre les dialectes tenus pour tels et les formes dialectales des langues
allogènes: albanais, grec, frioulan, sarde, occitan (sous son nom). Seuls ceux-ci
ont été l'objet de la récente loi de protection et promotion.
Les langues qui n'ont pas eu la fortune de devenir langues d'État ont dû
résoudre le même problème. Je ne donnerai pas la liste des solutions qui ont été
trouvées, à des dates différentes, et qui sont bien connues. Pratiquement, à une
étape de prise de conscience et d'évolution du statut public, une unification s'est
faite, au moins pour l'écrit et la pédagogie. On enseigne aujourd'hui en France
le breton commun et un basque unifié. La dernière fixation en date de langue
commune est celle du rhéto-romanche de Suisse.