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De Zaïssansk au Thibet<br />
et aux sources du Fleuve Jaune<br />
déjà si aventureuse du voyageur. Dans ces chasses nous utilisions<br />
nos deux chiens, qui pour manquer de race, ne manquaient ni<br />
d’adresse ni de courage. Quand nous avions blessé un vieux yack,<br />
ils se précipitaient sur lui, l’attrapaient par la queue ou lui barraient<br />
le passage. L’animal, effrayé, se jetait d’un côté à l’autre, cherchant<br />
à atteindre l’un des chiens, mais sans y parvenir. Pendant ce temps<br />
le chasseur s’approchait à bonne portée. Il faut ordinairement une<br />
dizaine de balles pour que le yack tombe. Quand il en a reçu deux<br />
ou trois, il revient sur le tireur, mais toujours avec indécision ; il fait<br />
quelques bonds, puis s’arrête ; il reçoit alors un nouveau coup de<br />
feu, ce qui le fait encore courir en avant, la tête basse et la queue<br />
en l’air ; mais il semble s’effrayer de sa propre audace, car une fois<br />
encore, il s’arrête. Cependant les chiens ne le quittent pas. Bientôt<br />
ses forces l’abandonnent, ses mouvements deviennent moins<br />
violents, et tout à coup il tombe comme une masse.<br />
Le plus souvent nous emportions la peau ou une partie de la<br />
chair, sans oublier la queue, et nous abandonnions le reste aux<br />
loups et aux vautours.<br />
Une seule fois il m’arriva d’être poursuivi sérieusement par un<br />
de ces animaux : c’était dans le Doumbouré, lors de notre retour, la<br />
veille du 1 er janvier 1880. Ce jour-là nous étions partis de grand<br />
matin pour chasser les argalis à poitrail blanc, sans intention de<br />
faire grâce aux loups et aux yacks que nous pourrions rencontrer ;<br />
quant aux antilopes et aux khoulans, nous n’y faisions plus<br />
attention. Pendant une dizaine de verstes je marchai dans la<br />
montagne. La p.052 matinée se passa sans me donner le moindre<br />
résultat. Je revenais à mon bivouac par un autre chemin, quand<br />
j’aperçus quelques vieux yacks paissant dans une petite vallée.<br />
Après avoir tiré une dizaine de balles, j’en tuai un ; puis, faisant le<br />
tour d’un rocher pour me rapprocher de la bande, je tirai de<br />
nouveau. L’un des plus beaux s’abattit et roula le long de la pente<br />
neigeuse de la montagne. L’animal, étourdi de sa chute, restait<br />
étendu au fond du ravin, j’y courus ; dès qu’il me vit à une centaine<br />
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