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De Zaïssansk au Thibet<br />
et aux sources du Fleuve Jaune<br />
Dans la matinée du 25 au 26 septembre, jour où nous faisions<br />
halte dans la vallée du Chouga-gol, il tomba une légère couche de<br />
neige qui couvrit tout le sol. Chez nous c’eût été une circonstance<br />
favorable pour la chasse : au Thibet il en est tout autrement. Le<br />
soleil, frappant la surface unie et blanche, nous aveuglait ; du<br />
reste, nous n’avions pas de piste à suivre, puisque de notre bivouac<br />
même nous voyions les animaux qui erraient en grands troupeaux.<br />
A huit heures du matin nous partîmes quatre.<br />
Éclon, Iégorof et Irintchinof suivirent la rivière à la poursuite des<br />
khoulans et des antilopes. Je pris une autre direction. En face de<br />
nous, à une distance que j’évaluai à 4 verstes, sur la rive gauche du<br />
Chouga, se profilait le mont Marco-Polo ; c’est de ce côté-là que<br />
j’allai à la recherche des arkars et des koukou-iaman. Quand<br />
j’atteignis les montagnes, le soleil était déjà haut sur l’horizon, et<br />
son éclat était tellement éblouissant qu’il m’était presque<br />
impossible de regarder à quelque distance. En outre la neige<br />
rendait tous les passages très glissants, et déjà je songeais au<br />
retour, quand j’aperçus un koukou-iaman au sommet d’une roche.<br />
Un coup de feu retentit ; l’animal tomba. Je traversai aussi vite que<br />
possible le ravin qui me séparait de ma victime, lorsque j’aperçus<br />
sous mes pieds un troupeau d’environ cinquante têtes ; cette<br />
rencontre me cloua sur place. Revenu de mon étonnement, j’avisai<br />
un gros mâle et le tuai raide. Quand le coup partit, les<br />
malheureuses bêtes, au lieu de s’enfuir, se serrèrent les unes<br />
contre les autres. Un second coup frappa un second mâle, qui roula<br />
au fond du ravin ; alors la troupe effarouchée fit quelques bonds,<br />
mais s’arrêta de nouveau. Une troisième, une quatrième, une<br />
cinquième balle suivirent, et à chaque coup les koukou-iaman, qui<br />
ne me voyaient pas, ne faisaient que sursauter sur place. Ces<br />
pauvres animaux affolés finirent par se disperser, et leur masse<br />
principale se réfugia dans un grand défilé où j’envoyai encore huit<br />
balles, à une distance de quatre cents pas. Ayant ainsi épuisé mes<br />
vingt et une cartouches, je descendis de mon rocher pour compter<br />
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