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De Zaïssansk au Thibet<br />

et aux sources du Fleuve Jaune<br />

camarade était retourné au camp, il y revint aussi et fut très inquiet<br />

de ne pas l’y trouver. Cependant j’en pris peu de souci. De<br />

semblables retards se renouvelaient assez souvent. Le lendemain,<br />

je ne fus pas aussi tranquille ; apprenant que Iégorof n’était pas<br />

rentré, j’envoyai à sa recherche M. Éclon avec Koloméitsef et trois<br />

cosaques. Fort avant dans la soirée Koloméitsef revint me dire qu’ils<br />

avaient battu la montagne inutilement toute la journée et que M.<br />

Éclon avait décidé d’y passer la nuit, attendant mes ordres.<br />

Il était évident que notre chasseur s’était égaré dans les<br />

rochers ; sans vivres, presque sans vêtements et même sans avoir<br />

le moyen d’allumer du feu, car il n’avait pas l’habitude de fumer.<br />

Le lendemain je partis à mon tour pour continuer les recherches.<br />

Je rencontrai des Mongols qui conduisaient des moutons à Sa-<br />

tchéou, mais ils ne purent me donner aucun renseignement. Après<br />

deux jours de fatigues inouïes, nous regagnâmes notre bivouac,<br />

avec la triste conviction que nous ne reverrions plus notre<br />

malheureux camarade.<br />

Le 5 août nous nous dirigions vers l’ouest, parallèlement à la crête<br />

de la montagne, et nous avions déjà fait 25 verstes, quand le<br />

cosaque Iritchinof, qui marchait en tête, avec moi, me signala un<br />

homme qui descendait la pente de la montagne : je pris ma jumelle<br />

et fus bientôt convaincu que c’était Iégorof. M. Éclon s’élança à sa<br />

rencontre, et une demi-heure après, le malheureux était au milieu<br />

de nous, mais dans quel état ! Il se tenait à peine sur ses jambes,<br />

sa figure était noire et décharnée, ses yeux enflammés, son regard<br />

presque sauvage. Il n’avait plus pour vêtements qu’une chemise en<br />

lambeaux, plus de casquette ni de culotte ; ses pieds étaient<br />

enveloppés de haillons ensanglantés. On lui fit boire quelques<br />

gorgées d’eau-de-vie, on lui lava les pieds, que l’on chaussa de<br />

bottes de feutre, on le hissa sur un chameau et l’on se remit en<br />

route. A 3 verstes p.032 de là nous rencontrâmes une source, où<br />

nous dressâmes nos tentes, et voilà ce que Iégorof, après qu’on lui<br />

eut donné tous les soins possibles, nous raconta.<br />

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