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De Zaïssansk au Thibet<br />
et aux sources du Fleuve Jaune<br />
hommes et des femmes. Quand il nous arrivait de pénétrer dans une<br />
de leurs tentes, ils ne nous offraient pas du thé ou du lait, comme<br />
l’eussent fait des Mongols, et ils faisaient même tous leurs efforts<br />
pour se débarrasser de nous le plus vite possible.<br />
Notre voyage à travers les montagnes sans guide, la défaite des<br />
Égraïs, la supériorité de nos armes, tout se savait parmi les<br />
indigènes. On y ajoutait cent contes absurdes. On assurait partout<br />
que nous avions trois yeux (en comptant sans doute la cocarde de<br />
nos casquettes pour un), que nos armes portaient à des distances<br />
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incalculables et qu’elles tiraient sans interruption, enfin que<br />
nous-mêmes étions invulnérables et que nous lisions dans l’avenir.<br />
Une autre idée qui nous fut fort préjudiciable était que nous<br />
savions changer le fer en argent, et que, le jour de notre départ, le<br />
métal reprendrait sa première forme.<br />
Par suite de ce conte habilement répandu, les Thibétains, dans<br />
les premiers jours, ne voulaient pas accepter notre argent ; ils<br />
n’osaient même pas y toucher, et beaucoup d’entre eux ne furent<br />
jamais bien convaincus qu’en le recevant ils n’étaient pas volés.<br />
Du détachement de soldats postés à la frontière des domaines<br />
du Dalaï-lama, cinq hommes étaient toujours à notre campement,<br />
sous prétexte de nous protéger, mais en réalité pour nous<br />
surveiller : eux-mêmes nous l’avouèrent.<br />
« Nous avons l’ordre, nous disaient-ils, de vous empêcher de<br />
pénétrer dans le pays et, pour cela, s’il le faut, de nous battre<br />
contre vous jusqu’à la mort ; mais que pouvons-nous contre vos<br />
armes ? à vos premiers coups tout le monde se sauvera ; nos chefs<br />
ont encore plus peur que nous.<br />
Ces « soldats » appartenaient à l’armée régulière du Dalaï-lama,<br />
armée que le gouvernement chinois a réduite à mille hommes, tant<br />
infanterie que cavalerie. Ils sont tous armés d’un sabre et d’un fusil<br />
à baïonnette. Leur uniforme ne diffère en rien du costume national ;<br />
ils reçoivent du gouvernement leurs armes, leurs vêtements, trois<br />
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