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De Zaïssansk au Thibet<br />
et aux sources du Fleuve Jaune<br />
sacs de froment et trois lanes d’argent par an. On les recrute parmi<br />
les familles riches en enfants mâles. La famille qui a un garçon sous<br />
les drapeaux est exempte d’impôts. On entre au service à quatorze<br />
ans et l’on y reste jusqu’à la vieillesse. En cas d’invasion du<br />
territoire, on appelle aux armes toute la milice nationale, mais,<br />
quant à l’instruction militaire, armée et milice sont encore bien au-<br />
dessous des troupes chinoises.<br />
Une caravane de marchands thibétains se rendant de Lhassa à<br />
Sinin vint camper auprès de nous ; elle se composait de 200 yacks<br />
chargés, de quelques chameaux et de 22 hommes, et transportait<br />
des draps, des objets consacrés au culte, tels que cierges, livres<br />
sacrés, amulettes, des médicaments et des denrées coloniales. Ces<br />
marchandises trouvaient un débouché assuré dans la <strong>Chine</strong><br />
septentrionale et la Mongolie. Au retour ils devaient rapporter des<br />
produits de l’industrie chinoise et principalement des étoffes de<br />
soie, de la vaisselle en porcelaine, de la batterie de cuisine en<br />
fonte, des bottes, des couteaux et des pipes.<br />
Le transport n’est point coûteux ; les yacks se nourrissent de<br />
l’herbe du chemin, et les hommes ne connaissent nullement le prix<br />
du temps. Ils ne redoutent pas beaucoup non plus les brigands<br />
égraïs et golyks : comme ce sont toujours les mêmes hommes qui<br />
font ce trajet d’aller et retour, ils sont entrés en arrangement avec<br />
les pillards, auxquels ils payent une sorte de tribut, assez léger ;<br />
ces derniers se rattrapent sur les pèlerins.<br />
Avec la caravane étaient revenus les trois Mongols de notre<br />
connaissance qui servaient d’avant-garde aux p.062 fonctionnaires<br />
thibétains. Ils nous apprirent qu’une grande agitation régnait à<br />
Lhassa à cause de nous. Pour nous arrêter, les fidèles du Dalaï-<br />
lama, n’ayant sans doute pas grand’confiance dans leur armée,<br />
avaient recours à toutes sortes de sortilèges ; dans un temple<br />
spécial, des lamas, après bien des conjurations, massacraient des<br />
chiens à grands coups de sabre, qui devaient retomber sur les<br />
ennemis de Lhassa, fussent-ils à plusieurs milliers de verstes. Les<br />
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