Épreuve de contrôle - L2C2 - CNRS
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28 Jean-Baptiste Van <strong>de</strong>r Henst & Hugo Mercier<br />
<strong>de</strong> faire <strong>de</strong> même avec nous, aient coévoluées, l’amélioration <strong>de</strong> l’une poussant<br />
l’autre à se perfectionner à son tour, et ce jusqu’à l’homme actuel.<br />
Le fait que les adultes disposent <strong>de</strong> capacités hors du commun pour appréhen<strong>de</strong>r<br />
le mon<strong>de</strong> social n’exclut pas la possibilité qu’elles aient été en gran<strong>de</strong><br />
partie acquises au cours du développement. De même que beaucoup <strong>de</strong><br />
personnes savent lire sans pour autant qu’il s’agisse d’une aptitu<strong>de</strong> innée, on<br />
peut imaginer que ces habilités sociales soient également dues à l’apprentissage<br />
(Sterelny, 2003). Afin <strong>de</strong> soutenir l’hypothèse favorite <strong>de</strong>s psychologues<br />
évolutionnistes, selon laquelle il s’agit d’un ensemble <strong>de</strong> capacités évoluées,<br />
spécialisées et ayant une forte base innée, il est possible <strong>de</strong> recourir à l’étu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> jeunes enfants. En effet, si l’on montre que la théorie <strong>de</strong> l’esprit, ou d’autres<br />
aptitu<strong>de</strong>s sociales apparentées, se développent très précocement, on renforce<br />
alors la thèse <strong>de</strong>s bases innées et on affaiblit celle <strong>de</strong> l’apprentissage. Des<br />
psychologues du développement ont montré que <strong>de</strong> neuf à douze mois, les<br />
enfants développent la capacité d’attribuer un but à <strong>de</strong>s objets animés (Csibra,<br />
Gergely, Bíró, Koós, & Brockbank, 1999 ; Gergely, Nádasdy, Csibra, & Bíró, 1995).<br />
À un an, les enfants comprennent le rôle du regard pour orienter l’attention : ils<br />
utilisent le leur pour pointer ce qu’ils désirent et ensuite vérifient que le regard<br />
<strong>de</strong> l’adulte se tourne dans la bonne direction (Bretherton, 1992). Peu après, ils<br />
comprennent que d’autres individus peuvent avoir <strong>de</strong>s croyances différentes<br />
<strong>de</strong>s leurs – en particulier <strong>de</strong>s croyances erronées – sur le mon<strong>de</strong> (Onishi<br />
& Baillargeon, 2005 ; Surian, Caldi, & Sperber, 2007). Ces expériences, et <strong>de</strong><br />
nombreuses autres, ten<strong>de</strong>nt à montrer que, dès leur plus jeune âge, les enfants<br />
possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s capacités qui leur permettent <strong>de</strong> comprendre les comportements<br />
d’autrui (pour une revue, voir Baron-Cohen, Tager-Flusberg, & Donald, 2000).<br />
Les psychologues évolutionnistes peuvent donc utiliser les étu<strong>de</strong>s développementales<br />
pour soutenir leurs thèses, mais ils peuvent également s’appuyer<br />
sur l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> populations présentant <strong>de</strong>s déficiences spécifiques.<br />
<strong>Épreuve</strong> <strong>de</strong> <strong>contrôle</strong><br />
Si l’on parvient à prouver qu’une certaine population montre un déficit<br />
spécifique d’une capacité précise, ici la théorie <strong>de</strong> l’esprit, on obtient alors un<br />
bon indice qu’il s’agit là d’un module spécialisé (Tooby & Cosmi<strong>de</strong>s, 1995).<br />
De nombreux chercheurs expliquent l’autisme par une déficience <strong>de</strong>s mécanismes<br />
<strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> l’esprit (voir Baron-Cohen, 1995 pour une revue). Pour<br />
tirer cette conclusion, ils s’appuient sur le comportement général <strong>de</strong>s autistes,<br />
et sur le fait que les enfants présentant cette pathologie ne parviennent que<br />
difficilement et très tardivement à passer les tests faisant appel à la théorie <strong>de</strong><br />
l’esprit. Dans une étu<strong>de</strong> pionnière, Simon Baron-Cohen et ses collaborateurs<br />
(Baron-Cohen, Leslie, & Frith, 1985) ont montré que ce déficit n’était pas dû<br />
à un problème d’intelligence générale : ils ont fait passer un test spécifique à<br />
la théorie <strong>de</strong> l’esprit à <strong>de</strong>s autistes et à <strong>de</strong>s enfants présentant un âge mental<br />
inférieur car souffrant du syndrome <strong>de</strong> Down. Ces <strong>de</strong>rniers ont néanmoins<br />
obtenu <strong>de</strong> bien meilleurs résultats à ce test particulier, indiquant que la théorie<br />
<strong>de</strong> l’esprit est spécifiquement touchée chez les autistes.