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Épreuve de contrôle - L2C2 - CNRS

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52 Olivier Morin<br />

reste <strong>de</strong> la population, ce qui veut dire que l’anorexie n’est pas incompatible,<br />

à court terme, avec <strong>de</strong>s performances physiques exceptionnelles, et que <strong>de</strong>s<br />

anorexiques en ont le goût.<br />

Récapitulons : certains individus dangereusement maigres développent<br />

une fébrilité et un dynamisme qui semblent incompatibles avec leur état, <strong>de</strong>s<br />

attitu<strong>de</strong>s anormales par rapport à la nourriture, qui incluent un sérieux manque<br />

d’appétit mais aussi <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> suralimentation et une obsession pour<br />

la nourriture, <strong>de</strong>s croyances fausses sur leur poids et leur apparence, et plus<br />

généralement un déni <strong>de</strong> leur condition.<br />

Voici la spéculation développée par Guisinger : nous savons qu’Homo<br />

Sapiens vivait en exerçant une pression <strong>de</strong> prédation intense sur ses ressources.<br />

Lorsque les ressources étaient presque épuisées et que la disette s’installait,<br />

aller chercher fortune ailleurs était une stratégie sensée. Mais encore fallait-il<br />

trouver le courage <strong>de</strong> résister à la tentation <strong>de</strong> se contenter du peu qui restait.<br />

Les ressources avaient beau être presque épuisées, elles n’étaient pas nulles :<br />

l’organisme pouvait être contraint par la faim à s’accrocher à <strong>de</strong>s ressources en<br />

voie d’épuisement complet. Dans ces circonstances, dès que <strong>de</strong>s signes sérieux<br />

<strong>de</strong> manque se faisaient sentir, l’organisme avait intérêt à bloquer sa faim et<br />

à fuir, très vite, sans se retourner ni s’arrêter pour s’alimenter ou dormir, à<br />

chercher frénétiquement un nouvel espace où s’alimenter, en oubliant pour un<br />

moment la famine et la possibilité d’une mort imminente. Une fois l’abondance<br />

retrouvée, le seuil <strong>de</strong> satiété pouvait <strong>de</strong>venir tout aussi anormalement haut qu’il<br />

avait été anormalement bas. On s’attend bien sûr à ce que ce mécanisme existe<br />

également chez d’autres espèces, et il est effectivement observable chez les rats<br />

<strong>de</strong> laboratoires, qui se mettent à courir partout, à utiliser excessivement leur<br />

cage à écureuil, et à manifester <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s atypiques envers la nourriture,<br />

dès qu’on les affame (Pinel, 2000 ; Fessler 2001).<br />

<strong>Épreuve</strong> <strong>de</strong> <strong>contrôle</strong><br />

D’après Guisinger, cette stratégie, et le mécanisme qui l’implémente, ont<br />

<strong>de</strong>puis longtemps cessé d’être adaptatifs, au moins <strong>de</strong>puis que la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong>s<br />

habitations humaines et la fin d’un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie noma<strong>de</strong> ont rendu improductive<br />

la fuite vers <strong>de</strong> nouvelles ressources. L’anorexie est la plus virulente <strong>de</strong>s maladies<br />

mentales, avec un taux <strong>de</strong> mortalité <strong>de</strong> 10 %, par suici<strong>de</strong> ou inanition aux<br />

USA. C’est pourquoi il n’est pas aussi fréquent que s’il avait fait très récemment<br />

l’objet d’une intense pression <strong>de</strong> sélection positive. La répartition du trouble<br />

dans notre société, ainsi que son association avec l’obsession <strong>de</strong> la minceur,<br />

pourrait s’expliquer par le fait que, dans une société riche où les famines et<br />

les épidémies sont contrôlées et où la religion n’a pas typiquement recours à<br />

la mortification <strong>de</strong> la chair, bien peu d’individus tombent en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> leur<br />

poids normal. Les seuls individus susceptibles <strong>de</strong> le faire – et <strong>de</strong> déclencher le<br />

mécanisme <strong>de</strong> l’anorexie – sont les jeunes femmes conscientes <strong>de</strong> leur poids,<br />

qui sont susceptibles <strong>de</strong> suivre <strong>de</strong>s régimes astreignants. Une chute brutale <strong>de</strong><br />

poids ainsi obtenue pourrait, dans l’idée <strong>de</strong> Guisinger, envoyer à l’organisme

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