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Épreuve de contrôle - L2C2 - CNRS

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50 Olivier Morin<br />

Enfin, les anorexiques peuvent avoir une bonne raison <strong>de</strong> ne pas manger<br />

qui n’a rien à voir avec la recherche <strong>de</strong> la minceur : bien souvent, elles n’ont<br />

tout simplement pas très faim. Le seuil au-<strong>de</strong>là duquel nous avons le sentiment<br />

d’avoir assez mangé, qui est régulé par <strong>de</strong>s signaux hormonaux chez tous les<br />

humains (et a bien entendu fait l’objet d’une pression <strong>de</strong> sélection dans notre<br />

évolution) est étonnamment bas chez les anorexiques (Pinel, 2000), surtout si<br />

l’on prend en compte le fait qu’il est extraordinairement haut chez les humains<br />

sous-alimentés normaux. Tout se passe comme si l’organisme se représentait<br />

à lui-même comme parfaitement sain.<br />

Certains symptômes <strong>de</strong> l’anorexie pourraient être la conséquence d’une<br />

perte <strong>de</strong> poids importante, et non pas l’inverse. Si c’est le cas, alors n’importe<br />

quelle perte <strong>de</strong> poids pourrait provoquer <strong>de</strong>s symptômes anorexiques. Les<br />

premiers à faire cette hypothèse furent les auteurs <strong>de</strong> la Minnesota Starving<br />

Experiment, une expérience menée en 1942 par les Américains pour anticiper<br />

les conséquences <strong>de</strong>s privations alimentaires en Europe. Les sujets étaient<br />

<strong>de</strong>s objecteurs <strong>de</strong> conscience volontaires, Quakers ou Mennonites employés<br />

aux travaux <strong>de</strong>s champs, et nourris d’un régime drastiquement appauvri.<br />

À la gran<strong>de</strong> surprise <strong>de</strong>s expérimentateurs, la faim transforma ces robustes<br />

garçons <strong>de</strong> ferme, sélectionnés pour leur solidité psychologique et physique,<br />

en jeunes filles chlorotiques du temps <strong>de</strong> Byron. On retrouva comme prévu<br />

un grand nombre <strong>de</strong> symptômes <strong>de</strong> ce genre (exercice intensif, préoccupation<br />

obsessionnelle pour la nourriture, alimentation irrégulière, impulsivité)<br />

chez les victimes <strong>de</strong>s pénuries causées par la guerre en Europe et les atrocités<br />

nazies (voir pour une revue <strong>de</strong> ces recherches, expérimentales et historiques,<br />

Fessler, 2002).<br />

Si l’on regar<strong>de</strong> un peu en arrière, on s’aperçoit que l’anorexie suit la disette<br />

comme son ombre. Deux <strong>de</strong>s épidémies d’anorexie qui aboutirent à la mise au<br />

point <strong>de</strong>s premiers diagnostics, celui <strong>de</strong> Morton à Londres au XVII e siècle et celui<br />

<strong>de</strong> Lasègue, à Paris dans les années 1870, sont liés à <strong>de</strong>s pénuries historiques.<br />

Lasègue était émerveillé par la vigueur et l’énergie <strong>de</strong> ses patients, au milieu<br />

<strong>de</strong>s autres victimes <strong>de</strong> la disette provoquée par le siège prussien, au cours<br />

<strong>de</strong> laquelle les Parisiens mangèrent jusqu’à l’éléphant du Jardin <strong>de</strong>s Plantes.<br />

Morton constatait que le trouble qu’il venait d’i<strong>de</strong>ntifier, et qui est aujourd’hui<br />

considéré comme la première <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> notre anorexie mo<strong>de</strong>rne, était<br />

curieusement très répandu parmi les réfugiés <strong>de</strong> Virginie – ceux-là même<br />

qui fuyaient l’effroyable famine qui tua les neuf dixièmes <strong>de</strong> la population<br />

<strong>de</strong> Jamestown, abandonnée par la tribu <strong>de</strong> Pocahontas (Van<strong>de</strong>reycken, 1994 ;<br />

Bemporad, 1996). On dit souvent que l’anorexie est une maladie <strong>de</strong> l’abondance<br />

– mais ce n’est que parce qu’on a voulu la définir ainsi.<br />

<strong>Épreuve</strong> <strong>de</strong> <strong>contrôle</strong><br />

Le dérèglement <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s alimentaires est une conséquence constatée<br />

<strong>de</strong> la sous-alimentation, et donc, <strong>de</strong>s régimes trop drastiques. Les mé<strong>de</strong>cins<br />

évolutionnistes ont une explication pour ce fait (Nesse, 1984) : en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>

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