jung-un-voyage-vers-soi
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qu’il ne les partageait pas et qu’ils auraient d’« immenses difficultés 6 » à
parvenir à le rallier à la mise en conformité de l’association et de la revue
avec la politique nazie, selon les mots de Cimbal. Dans ce bras de fer, ce
sont finalement les nazis qui ont le dessus et, voyant qu’il n’a plus aucune
influence auprès de ses interlocuteurs pour essayer de sauver ce qui reste
encore de la psychanalyse en Allemagne, Jung finit par démissionner en
1939. En représailles, ses ouvrages sont mis sur la « liste noire » du régime
nazi. Comme l’écrit Deirdre Bair : « Rétrospectivement, on s’aperçoit que
Jung manquait vraisemblablement de jugement lorsqu’il s’agissait d’évaluer
les hommes entre les mains desquels il mettait son destin 7 . »
Il manqua encore davantage de discernement et de prudence en publiant
fin 1934 dans la revue Zentralblatt für Psychotherapie un texte soulignant
la différence entre la psyché juive et la psyché aryenne. C’est la publication
de ce texte qui convainquit certains de l’antisémitisme de Jung. Il convient
toutefois, ici aussi, de replacer cette citation dans l’économie d’ensemble de
l’article et surtout dans le contexte historique de l’époque, où ce type
d’analyse était monnaie courante.
Tout au long du XIX e siècle se sont développées en Europe, et
particulièrement en Allemagne, des études de philologie comparée qui ont
cherché à comprendre les différences linguistiques et culturelles entre les
peuples. C’est ainsi que sont nées les catégories « indo-aryenne » (on dit
aujourd’hui « indo-européenne ») et « sémite ». De nombreux savants,
comme Friedrich Max Müller, ont mis en avant les caractéristiques propres
à chaque peuple (on disait alors « race », mais ce mot a été supprimé du
langage scientifique depuis qu’il a servi à légitimer des théories et des actes
« racistes »). Au début du XX e siècle, ces études sont si répandues en Europe
que certains psychologues s’en servent pour expliquer que la psyché des
individus est marquée par leur appartenance culturelle. Cette psychologie
culturaliste les conduit à affirmer qu’il existe une mentalité juive spécifique,