jung-un-voyage-vers-soi
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LE NUMINEUX
Mais Jung va plus loin encore. Non seulement il affirme que notre
inconscient collectif est truffé de mythes et de symboles religieux, mais il
fait lui-même l’expérience psychique d’un bouleversement émotionnel en
lien avec une force ou une puissance indéfinissable. Il observe la même
chose chez certains de ses patients et à travers de nombreux témoignages
historiques dans toutes les cultures du monde. La lecture de deux grands
théologiens et philo sophes allemands des religions va lui permettre de
mieux cerner et même de nommer cette expérience.
Carl Jung, le grand-père paternel de Jung, qui était également médecin,
avait abjuré le catholicisme et reçu le baptême protestant d’un théologien
très connu à l’époque, Friedrich Schleiermacher, qui était aussi un grand
érudit et un des pionniers du mouvement romantique allemand. Ce dernier
publie en 1799 un Discours sur la religion, dans lequel il montre que la
religion se fonde avant tout sur le sentiment, le cœur, la sensibilité.
L’expérience religieuse est d’abord une expérience émotionnelle qui touche
l’âme, la dimension rationnelle et dogmatique venant dans un second
temps. Il entend aussi montrer que le sentiment religieux n’est pas qu’une
expérience personnelle, mais qu’il revêt aussi une dimension collective : il
doit être partagé et cela est possible dans la mesure où il repose sur des
images originelles présentes chez tous les humains. Il se peut que cette
dernière suggestion ait mis Jung sur la piste de l’inconscient collectif et des
archétypes, mais il retient aussi de Schleiermacher cette idée fondamentale
que l’expérience religieuse est avant tout un sentiment, d’autant qu’il la
retrouve dans un livre publié en 1917, Le Sacré, par un autre penseur
allemand : Rudolf Otto. Professeur de philo sophie des religions à
l’Université de Marbourg, celui-ci fut l’inspirateur des « Rencontres
d’Eranos », au bord du lac Majeur, auxquelles Jung participera pendant
vingt ans. Otto s’inscrit explicitement dans la filiation de Schleiermacher,
bien qu’il entende se situer non plus sur le terrain de la théologie, mais sur