jung-un-voyage-vers-soi
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totalement maléfique (le diable), ce qui reste incompréhensible –, Jung
propose de le réintroduire dans la conception d’un Dieu trinitaire, qui
deviendrait alors quaternaire. Ainsi le Père aurait-il deux fils, l’un
exprimant la dimension du bien, qui s’incarnera en Jésus, et l’autre la
dimension du mal, personnifiée par Satan. C’est pourquoi, lorsqu’il
commence sa mission, la première rencontre que Jésus fait est celle de son
ombre, en la personne de Satan qui le tente au désert. Tout le Nouveau
Testament montre cette polarité et ce combat entre les forces du bien
incarnées par le Christ et les forces du mal par Satan. Ce sont, pour Jung,
les deux polarités inséparables de l’existence, que l’on voit à l’œuvre dans
la nature (le monde est à la fois beau et cruel) et que l’on retrouve dans
toute l’histoire et la psyché humaines. Au lieu de déréaliser le mal, le
christianisme ferait mieux, selon lui, de le réintroduire dans le principe
divin.
Ce point de vue, pour le moins iconoclaste, que Jung développe dans
ses derniers livres sur la religion (notamment Aiôn et Réponse à Job) le
conduit aussi à s’interroger – à partir d’une réflexion de Maître Eckhart sur
la naissance de Dieu en l’âme – sur la dimension consciente et inconsciente
de Dieu, qui a besoin de s’incarner dans l’âme humaine pour s’objectiver.
Autrement dit, Dieu a créé l’humanité pour devenir pleinement conscient en
elle. Cette théorie suscita un véritable tollé chez les théologiens, tant
protestants que catholiques, qui qualifièrent Jung avec ironie de
« psychiatre de Dieu ». Si on n’est pas, en effet, obligé de suivre le médecin
suisse sur le terrain miné de la théologie, reste que son interprétation
psychique et symbolique du « mythe chrétien » et du problème que pose
son explication de la question du mal me semble digne d’intérêt. En voulant
rendre plus présentable et fréquentable la figure d’un Dieu où n’existe que
le bien, la théologie chrétienne a finalement laissé de côté la problématique
du mal dans son caractère le plus abrupt. Pour Jung, la figure d’un Dieu
paradoxal est plus crédible que celle, aimable et univoque, d’un « bon