jung-un-voyage-vers-soi
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Cette vérité profonde m’est bien vite apparue lors de mes études de philosophie
: chacun philo sophe à partir de sa sensibilité, de son type psychique
spécifique. Ce n’est pas un hasard si des tempéraments optimistes et joyeux,
comme Montaigne ou Spinoza, ont développé une philo sophie de la joie,
alors que des personnalités tourmentées et pessimistes, comme
Schopenhauer et Cioran, ont porté un regard sombre sur la vie. C’est la
raison pour laquelle la philo sophie ne pourra jamais être une science
objective, à la différence des mathématiques ou de la physique. Malgré le
caractère universel de la raison, auquel je crois tout à fait et qui demeure
l’outil principal de l’activité philo sophique, la subjectivité du philo sophe
influence presque toujours sa vision du monde et son argumentation.
L’INCONSCIENT PERSONNEL : ENTRE PASSÉ ET AVENIR
Sans jamais avoir utilisé le terme, Spinoza est sans doute le premier
penseur à souligner que la plupart de nos actes sont le fruit de notre
inconscient, puisque nous n’avons aucune connaissance des causes
véritables qui les motivent. Schopenhauer reprendra cette idée, mais c’est
chez Carus et von Hartmann qu’on trouvera pour la première fois le mot et
le concept d’inconscient, lequel sera largement développé et enrichi par
Freud à la fin du XIX e siècle et au début du XX e siècle. La découverte très
récente de cette psyché extra-consciente relativise la position de la
conscience et du moi, qui jusque-là était absolue. Tout en restant le centre
de la personnalité, le moi n’en est plus la totalité et il est en partie
dépendant de l’inconscient. Jung explique que le mot qui recouvre cette
réalité psychique insondable ne peut être que négatif, ce que Kant dit aussi
des noumènes, ces « choses en soi », qui sont des « concepts limites
purement négatifs 8 ».
Nous avons vu que Jung s’est détaché de la position freudienne sur le
contenu de l’inconscient personnel : pour lui, ce n’est pas qu’un réservoir
de souvenirs traumatiques et de désirs refoulés du moi conscient, il est aussi