jung-un-voyage-vers-soi
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ainsi qu’une mentalité « aryenne » spécifique (c’était le mot unanimement
utilisé à l’époque pour qualifier les peuples européens anciens, avant que
les nazis ne l’utilisent à outrance pour l’opposer à la « race juive »). Ainsi
Freud lui-même écrit-il à son disciple Ferenczi, le 8 juin 1913 : « Quant au
sémitisme, il y a certainement de grandes différences avec l’esprit aryen.
Nous en avons tous les jours la confirmation. Aussi en résultera-t-il
certainement, ici et là, des conceptions du monde différentes et un art
différent 8 . » Freud et Jung avaient souvent débattu cette question, et c’est
finalement cette même idée qui ressort de l’article incriminé. Après avoir
rappelé que la revue avait pour objectif de rendre compte avec impartialité
de la diversité des points de vue, Jung souligne « les différences qui de fait
existent, et d’ailleurs sont reconnues depuis fort longtemps, par des gens
clairvoyants, entre la psychologie germanique et la psychologie juive ».
Mais nous ne sommes plus alors au début du XX e siècle. Dans le
contexte de l’antisémitisme virulent qui sévit en Allemagne, un tel rappel
est plus que maladroit, c’est une faute grave. Jung a dû en avoir un peu
conscience, puisqu’il ajoute aussitôt : « Il ne s’agit pas bien entendu, et
j’aimerais que ce soit formellement établi, d’une quelconque dépréciation
de la psychologie sémite, pas plus qu’il n’est question de déprécier la
psychologie chinoise lorsqu’on parle de la psychologie propre aux habitants
d’Extrême-Orient 9 . » Comme le souligne Deirdre Bair, « exprimer un tel
point de vue, fin 1933, dans une revue alignée sur l’idéologie nazie, était
d’une naïveté incroyable et surtout une erreur sur le plan politique, mais les
différences entre les nations, les tribus et les peuples constituaient un
élément essentiel de la psychologie de Jung ; par conséquent, il en faisait
état. Ses détracteurs ne tinrent absolument pas compte de son insistance à
dire qu’il n’y avait là aucune “dépréciation de la psychologie sémite” et la
controverse s’intensifia 10 ».
Pour montrer qu’il n’est pas inféodé au régime nazi, comme le soutient
alors l’entourage de Freud, Jung publie en 1936 un essai sur Wotan, le dieu