11.01.2023 Views

jung-un-voyage-vers-soi

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

nous ne comprenons plus ce langage, et cette dissociation est pour Jung

source de nombreuses névroses de l’homme moderne 9 . Il nous faut donc

retrouver ce lien vital avec la nature, quand bien même celui-ci passera

toujours plus par le prisme de la conscience que par celui de l’inconscient, à

l’inverse de ce qui se produisait pour nos lointains ancêtres. Pour qualifier

cette rupture entre l’homme et la nature, le sociologue Max Weber parlait

de « désenchantement du monde ». Jung appelle ainsi à un

« réenchantement du monde », par la capacité à nous relier aux autres

espèces vivantes et à ressentir dans toutes les dimensions de notre être

(corps, cœur, imaginaire, pensée) notre appartenance au cosmos.

Il en va de même pour la coupure radicale que nous avons faite avec le

passé : arrachés à nos racines, nous sommes sans cesse projetés dans

l’avenir, bercés par cette illusion que le meilleur est toujours à venir. « C’est

précisément la perte de relation avec le passé, écrit Jung, la perte de racines

qui crée un tel “malaise dans la civilisation” et une telle hâte que nous

vivons plus dans l’avenir, avec ses promesses chimériques d’âge d’or, que

dans ce présent que l’arrière-plan d’évolution historique n’a pas encore

atteint. Nous nous précipitons sans entraves dans le nouveau, poussés par

un sentiment croissant de malaise, de mécontentement, d’agitation. Nous ne

vivons plus de ce que nous possédons, mais de promesses ; non plus à la

lumière du jour présent, mais dans l’ombre de l’avenir où nous attendons le

véritable lever du soleil. Nous ne voulons pas comprendre que le meilleur

est toujours compensé par le plus mauvais. L’espérance d’une plus grande

liberté est anéantie par un esclavage d’État accru ; sans parler des

effroyables dangers auxquels nous exposent les brillantes découvertes de la

science. Moins nous comprenons ce que nos pères et nos aïeux ont cherché,

moins nous nous comprenons nous-mêmes et nous contribuons de toutes

nos forces à dépouiller l’individu de ses instincts et de ses racines, si bien

que devenu particule dans la masse, il n’obéit plus qu’à l’“esprit de

pesanteur” 10 . »

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!