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jung-un-voyage-vers-soi

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Il reste quelques semaines dans un état semi-conscient, qui traduit, en

fait, son refus de poursuivre son existence terrestre et de s’alimenter. Durant

ce temps, il est aussi habité par une étrange certitude : celle que son

médecin, celui qui l’a ramené à la vie, va bientôt mourir. En effet, le jour

même où Jung peut s’asseoir au bord de son lit pour la première fois, son

médecin est hospitalisé et meurt rapidement d’une septicémie. Durant les

nombreuses semaines de sa conva lescence, Jung est déprimé le jour, mais

chaque nuit, vers minuit, il est réveillé pendant environ une heure, au cours

de laquelle il est immergé dans un état de totale béa titude : « Je me sentais

comme planant dans l’espace, comme abrité dans le sein de l’univers, dans

un vide immense, bien qu’empli du plus grand sentiment de bonheur qui

soit. C’était la béatitude éternelle ; on ne peut la décrire, c’est bien trop

merveilleux. » Puis des visions de noces mystiques lui apparaissent pendant

ce temps extatique, comme si la mort était un mystère d’union – mysterium

conjunctionis – où l’âme parvenait enfin à réaliser sa totalité. Il se voit dans

le Jardin des Grenades assister aux noces de deux sephiroth de la Kabbale,

qui représentent le féminin et le masculin de Dieu : Tipharèt (la grâce) et

Malkut (le royaume). Une autre nuit, il se voit dans la scène de

l’Apocalypse de Jean aux noces de l’Agneau (le Christ) et de son peuple,

dans la Jérusalem céleste. Suit une troisième vision, où il parvient dans un

paysage verdoyant jusqu’à un amphithéâtre, où il assiste à une scène

mythologique rapportée dans l’Iliade : Zeus et Héra consommant le hieros

gamos (union sacrée à caractère sexuel entre deux divinités).

Au bout de quelques semaines, ces visions nocturnes cessent, mais Jung

en restera marqué jusqu’à la fin de ses jours : « Je n’aurais jamais pensé

qu’[…] une continuelle béatitude fût possible. […] On recule devant

l’emploi du mot “éternel” ; pourtant je ne peux décrire ce que j’ai vécu que

comme la béatitude d’un état intemporel, dans lequel passé, présent, avenir

ne font plus qu’un. Tout ce qui se produit dans le temps y était concentré en

une totalité objective 23 . » En lisant ces lignes, je me suis remémoré les mots

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