jung-un-voyage-vers-soi
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par des rituels et des prières, à aider le soleil (qu’ils vénèrent comme un
dieu) à se lever tous les jours et à traverser le ciel jusqu’à son coucher. Jung
est interloqué : il n’a jamais rien vu ou lu de tel dans l’histoire des religions.
Autant tous les peuples, à travers le temps et l’espace, font des demandes
aux dieux et cherchent à obtenir des faveurs à travers des rites et des
suppliques, autant il n’a jamais lu que Dieu, ou les dieux pouvaient avoir
besoin de l’aide des humains. Cette conception pour le moins étrange peutelle
avoir un sens ? Cette question continue de mûrir en lui et c’est un peu
plus tard, lors d’un nouveau voyage en Afrique, qu’une réponse lumineuse
lui traversera l’esprit.
Entre l’automne 1925 et le printemps 1926, Jung effectue en effet un
voyage de près de six mois en Afrique : du Kenya à l’Égypte en passant par
l’Ouganda et le Soudan. Une grande partie du voyage se fait à pied et sa
rencontre avec l’immensité de la savane africaine provoque chez lui un
choc profond. Il contemple les troupeaux d’antilopes, de zèbres, de gnous et
de gazelles, et soudain une pensée et une émotion profonde le saisissent :
« C’était le silence du commencement éternel, le monde comme il avait
toujours été dans l’état de non-être ; car jusqu’à une époque toute récente
personne n’était là pour savoir que c’était “ce monde”. Je m’éloignai de
mes compagnons jusqu’à les perdre de vue. J’avais le sentiment d’être tout
à fait seul. J’étais alors le premier homme qui savait que cela était le
monde, et qui par sa connaissance venait seulement de le créer réellement.
C’est ici qu’avec une éblouissante clarté m’apparut la valeur cosmique de la
conscience : Quod natura relinquit imperfectum, ars perficit (“Ce que la
nature laisse incomplet, l’art le parfait”), est-il dit dans l’alchimie.
L’homme, moi, en un acte invisible de création, ai mené le monde à son
accomplissement en lui conférant existence objective 2 . » Jung se souvient
alors de ses échanges avec le chef des Indiens Pueblos et de cette conviction
que ces derniers avaient d’être utiles à leur père le Soleil : « J’avais envié
chez eux cette plénitude de sens et recherché sans espoir notre propre