Pas de bavards à la Muette

débarrasser, hein ? La surprise a annihilé la sûreté de tir,
voilà pourquoi vous êtes assis sur ce banc. Allons, elle
vous a tiré dessus, n’est-ce pas ?
— Si j’avais eu l’intention de vous le cacher, j’aurais fait
disparaître une des douilles, dis-je.
— Polop. Vous n’auriez pas pu faire disparaître le trou
dans le chambranle, même en en retirant le pruneau. Moi,
je crois que vous vous proposiez de me parler des deux
coups de feu comme vous venez de le faire, c’est-à-dire
dirigés contre Bénech, mais hors de votre présence – mais
la fatigue et vos préoccupations vous ont fait me raconter
les choses exactement comme elles se sont passées :
perception d’un coup de feu et précipitation sur les lieux.
Et maintenant, oui ou non, reconnaissez-vous qu’elle vous
a canardé ou tournez-vous encore longtemps autour du
pot ? Vous n’aviez pas l’intention de me cacher quoi que
ce soit, mais il me faut vous arracher les mots un par un.
Nous perdons notre temps.
— Ça va, dis-je. Oui, elle m’a tiré dessus. J’ai beaucoup
de succès auprès des filles, moi aussi… Mais, nom de
Dieu ! ajoutai-je, elle ne savait pas ce qu’elle faisait.
— Elle ne le savait peut-être pas davantage en
dégringolant le chauffeur, mais ça, ça sera le boulot des
psychiatres…
Il se leva, se frottant vigoureusement les fesses pour se
débarrasser des brindilles attachées au fond de son
falzar :
— … On va aller voir cette donzelle… hum… Je suis né
à Montreuil. Ces gens de la haute, ça m’impressionne
toujours un peu.