Pas de bavards à la Muette

moque. Si vous vous imaginez me faire peur, vous avez du
retard. Allons-y, à la fête à Choisy. Mais il faut que vous
ayez du temps de reste pour vous permettre de le perdre
ainsi.
Nous retournâmes dans la salle du café, il prit congé de
ses copains et nous grimpâmes dans ma bagnole.
J’embrayai. Il se mit à rire.
— Qu’est-ce qu’il y a de marrant ? demandai-je.
— Tout, répondit-il. Non seulement vous gaspillez
votre temps, mais vous allez, par-dessus le marché,
dépenser de l’essence inutilement. Moi, ça m’amuse.
— On verra bien. On va faire un tour au Bois ?
— Hum… il ne faudrait pas que l’on nous prenne pour
des dames de mœurs légères.
— Les amateurs ne sont tout de même pas si myopes.
Nous traversâmes les jardins de Ranelagh. Je dis :
— Ça marche toujours, cette combine ?
— Laquelle ?
— Les tapineuses motorisées. Les amazones parfumées
du bord du lac. Les voitures qui roulent au ralenti, souples
et luisantes, gracieuses et discrètes. Qui stoppent à la
hauteur du promeneur solitaire, des fois que ce solitaire
ait marre de la solitude. Et une charmante voix
charmeuse dit : « Pardon, monsieur. Un petit
renseignement, s’il vous plaît. » Et lorsque tu te penches
vers la portière, tu aperçois à l’intérieur, dans une
délicieuse pénombre, des guibolles haut découvertes,
jaillissant d’une mousse de nylon, quand ce n’est pas un
impertinent nichon qui te saute à la gueule comme un
jeune chien cabrioleur.