Pas de bavards à la Muette

— Oui, ça doit être ça, approuva Mme Ailot, pas
contrariante, la broche au creux de sa main et les yeux
sur la broche.
Je soupirai. Le désarroi abolissait chez elle toute espèce
de sens critique. Toutes les explications lui semblaient
bonnes. Elle les acceptait sans discuter. Elle se rangeait
docilement à votre point de vue. Elle ne m’était pas d’un
grand secours pour faire jaillir la lumière, si tant est que la
lumière jaillisse de la discussion. Faire soi-même les
demandes et les réponses, s’entendre toujours répondre
« oui », n’avançait guère. Autant ruminer ça tout seul,
dans ces conditions. En admettant que ruminer soit utile.
Tout ce que j’envisageais, c’était du kif. Et qu’est-ce que
j’avais, à faire mon numéro devant cette bonne femme ?
Pour m’entendre répondre « oui » ? Toujours « oui ».
Toujours « oui » ? Voire… Je me levai :
— Je vais essayer de mettre la main sur ces gens-là
avant qu’ils aient tiré des copies de tous vos bijoux et
dispersé les véritables pièces. Je vais essayer. Mais ça
sera sûrement plus long que nous n’avions prévu.
Un frisson la parcourut :
— Le temps ne joue plus, dit-elle, tristement. Après
tout ce qui s’est passé…
— J’essaierai quand même de faire vite.
— Merci.
Je toussotai :
— J’ai dit tout à l’heure que la victime d’une de ces
substitutions de bijoux préférait parfois cette substitution
à une disparition brutale. Je m’étonne que vous ne m’ayez
pas demandé pourquoi ?