Pas de bavards à la Muette

poche, le consulta, le rempocha, serra la main au chauve,
qui se trouvait bien où il était, et calta. Je sortis derrière
lui sans avoir l’air de rien et lui filai le train.
Il prit la rue de Passy, ce qui m’arrangeait.
Au milieu de tout ce peuple de cuisinières et de nurses,
encombrant les trottoirs étroits, devant les étalages des
marchands de produits alimentaires ou les vitrines des
diverses boutiques, je ne risquais pas d’être repéré. Il ne
semblait d’ailleurs nullement inquiet et s’il se retourna
quelquefois ce fut sur le passage de filles qu’il trouvait à
son goût, non pour s’assurer s’il n’était pas suivi. Il
marchait sans hâte, l’air faraud, avantageux comme un
soutien-gorge, droit comme un i.
Un fortiche. Un gars qui savait mener sa barque.
Dame ! un Breton ! Drôle de terre-neuva. Fallait-il
qu’elles soient cornichonnes, ces mères Ailot et
compagnie ! Après tout, ça leur faisait les pieds, ce qui
leur arrivait.
L’un pistant l’autre, nous parvînmes en vue du
boulevard Delessert. Yves Bénech traversa la rue
Raynouard et s’engagea sur la pente de la rue d’Alboni ou
de l’Alboni, je ne sais exactement comment il faut le dire,
les plaques édilitaires elles-mêmes ne sont pas d’accord.
J’ai remarqué que l’emploi de l’article précédant un
prénom ou un nom prend un caractère péjoratif ou
d’admiration, selon qu’il s’applique à une bonne femme
ordinaire, soupçonnée de légèreté de cuisse, ou à une
cantatrice italienne, l’un empêchant pas l’autre, toutefois.
La Françoise, par exemple, ou la Mélie, on voit tout de
suite ce que cela veut dire. Tandis que l’Alboni, Marietta